Quelques heures avant l'ouverture du sommet du G8, en Irlande du Nord, le premier ministre canadien, Stephen Harper, a exprimé des réserves sur la pleine participation de la Russie à ces rencontres annuelles. Parlant du désaccord entre Vladimir Poutine et ses homologues au sujet de la guerre civile en Syrie, M. Harper a été tranchant: «Ne nous faisons pas d'illusions. Il s'agit ici du G7 plus un.»

Il est vrai que, sur la question syrienne, les sept membres du groupe original et la Russie ont des positions aux antipodes. Est-ce révélateur de philosophies politiques irréconciliables? La Russie a-t-elle vraiment sa place à ces rencontres des dirigeants des démocraties industrialisées?

Lors de la première réunion du genre, à Rambouillet, en France, en 1975, le groupe avait affirmé sa foi en «une société ouverte, démocratique, profondément attachée à la liberté individuelle et au progrès social.» Lorsque la Russie a été admise en 1997, le président américain, Bill Clinton, y a vu la preuve de «l'émergence de la Russie comme membre à part entière de la communauté des démocraties.»

C'était avant que M. Poutine n'impose sa main de fer sur le système politique russe. Peut-on encore soutenir que la Russie partage avec les autres membres les idéaux de Rambouillet? Évidemment non. Alors, quels sont les principes sous-tendant le G8? S'agit-il de réunir les puissances économiques de la planète? Si c'est le cas, il faudrait inviter la Chine, l'Inde et le Brésil. Ce G11 ferait double emploi avec le G20.

À l'origine, le G6 (devenu G7 avec l'admission du Canada en 1976) devait permettre aux chefs de gouvernement de discuter des problèmes du jour de façon informelle. Depuis, la rencontre a perdu beaucoup de ce côté spontané. La présence de M. Poutine, dont les valeurs sont foncièrement différentes de celles des autres leaders, rend illusoire tout retour à la formule de départ.

Par ailleurs, le monde d'aujourd'hui est encore plus complexe que celui d'il y a 40 ans. L'influence du G8 n'est plus ce qu'elle était. Nous sommes à l'ère du «G zéro», un monde sans leaders, instable, dangereux, selon le politologue Ian Bremmer. Plus optimiste, Stewart M. Patrick, du Council on Foreign Relations, parle plutôt du «G x»: «Ce qui distingue notre époque n'est pas l'absence de multilatéralisme mais sa diversité et sa flexibilité étonnantes.»

Dans cette dernière perspective, la composition des différents regroupements importe peu. L'essentiel, c'est que les dirigeants des différents pays se parlent, le plus franchement et le plus fréquemment possible. Ces rencontres au sommet ne produisent sans doute pas de fruits à court terme et les communiqués publiés sont un ramassis de voeux pieux. Néanmoins, il s'agit d'occasions uniques pour tisser les liens essentiels à la résolution de conflits économiques et politiques. C'est pourquoi la Russie doit demeurer la bienvenue au G8.