La décision de l'Association canadienne de soccer de suspendre la Fédération de soccer du Québec est la pire qui soit. Ce n'est pas en employant la manière forte qu'on règle une question sensible comme le droit pour des jeunes sikhs de porter un turban sur le terrain de foot.

Comme nous l'avons déjà écrit, à la lumière de ce qui se passe ailleurs au Canada et aux États-Unis, entre autres pays permettant le port de hijabs et de turbans lors de parties de soccer, la fédération québécoise aurait dû lever son interdit. L'argument invoqué, les risques d'accidents, ne tient pas la route.

Pour sa part, l'Association canadienne devrait jouer un rôle positif. Par exemple, elle aurait pu encourager les échanges entre les dirigeants québécois et ceux d'autres régions où les couvre-chefs religieux sont autorisés depuis plusieurs années (depuis 1999 aux États-Unis).

Rappelons quelques faits. L'automne dernier, la FIFA a autorisé, pour une période d'essai, le port du «foulard» (le hijab). La FIFA a précisé que le foulard «ne peut être porté que par des femmes». Néanmoins, à la suite de cette ouverture, l'Association canadienne de soccer a décidé d'«étendre cette règle au port du turban» par les jeunes hommes et d'imposer sa vision des choses à la fédération québécoise.

Au lieu de semoncer leurs collègues du Québec, les bonzes du ballon rond canadien auraient dû presser la FIFA de faire savoir si l'amendement apporté aux Lois du Jeu au sujet du foulard vaut pour le turban. Dans l'éventualité d'une réponse positive, le problème aurait été réglé, la Fédération de soccer du Québec s'étant déjà engagée à suivre les directives de la FIFA à cet égard.

Il ne manquait plus que cela: voici que les politiciens de toutes couleurs viennent labourer le terrain avec leurs grosses bottes. Les péquistes ont sauté sur l'occasion pour défendre, disons, la souveraineté sportive du Québec. À Ottawa, les conservateurs ont applaudi la décision l'Association canadienne, dont ils apprécient sans doute le manque flagrant de subtilité.

L'attitude la plus décevante est celle de Justin Trudeau, qui s'est empressé d'applaudir la suspension sur Twitter. M. Trudeau devrait twitter moins et réfléchir davantage. Son rôle, en de telles circonstances, est de pousser les parties à régler leur différend par le dialogue, comme l'a toujours fait celui qu'il prétend être son modèle, Wilfrid Laurier. C'est le chef de l'Opposition officielle, Thomas Mulcair, qui a été le plus fidèle aux «voies ensoleillées» de Laurier en communiquant avec les deux organisations hier matin.

Le président de l'Impact de Montréal, Joey Saputo, a bien exprimé le devoir de sagesse qui s'impose dans des débats aussi délicats. Tout en se disant favorable à ce que de jeunes sikhs puissent porter le turban, M. Saputo a qualifié d'«exagérée» la décision de l'Association canadienne. Il a invité les instances en cause «à trouver un terrain d'entente pour le bien du sport.» Et surtout, ajoutons-nous, pour le bien des jeunes.