Justin Trudeau a étonné les observateurs au cours de la campagne à la direction du Parti libéral du Canada. On s'attendait à ce qu'il gagne, ce qui arrivera vraisemblablement dimanche prochain. Mais on croyait aussi qu'il allait s'enfarger dans ses lacets à quelques reprises. Or, le député de Papineau a réalisé un parcours sans faute.

La course a permis de mettre en évidence les qualités de M. Trudeau: son aisance avec les gens, ses talents d'orateur, son charisme. Elle a aussi confirmé sa principale faiblesse, la superficialité de son discours.

Contrairement à ce qu'on a souvent dit, Justin Trudeau n'est pas dépourvu d'idées. Il propose bel et bien une approche générale à la gouverne du pays. D'abord, une politique rassembleuse plutôt qu'une politique axée sur la division, comme celle pratiquée par les conservateurs de Stephen Harper. «Les Canadiens en ont assez de voter contre la droite ou contre la gauche. Ils veulent voter POUR une vision globale du pays qui inclut tout le monde et toutes les régions», a-t-il dit la semaine dernière à l'Empire Club de Toronto.

Aux cyniques, de tels propos sembleront naïfs, sirupeux, mais cette «nouvelle façon de faire de la politique» pourrait en séduire plusieurs. C'est une vision romantique du Canada, à la Laurier, plutôt qu'une vision rationnelle, à la Trudeau père.

Le favori libéral propose que le gouvernement fonde ses décisions sur les faits, sur la science, plutôt que sur l'idéologie. Là encore, l'idée est très générale. Elle est aussi radicalement différente de ce que l'on perçoit être l'approche conservatrice. Et c'est une façon d'aborder les choses typique du Parti libéral du Canada, formation pragmatique par excellence. Pierre Elliott Trudeau l'expliquait dans son dernier discours aux militants libéraux, en 1984: «Le libéralisme n'est pas tant un programme, une série de politiques qu'une approche de la politique. C'est avoir foi dans les gens.»

Justin Trudeau parle de réconcilier croissance économique et environnement; il n'est évidemment pas le premier à rechercher ce juste milieu! Pour ce qui est de la place du Canada dans le monde, le député de Papineau souhaite un retour à notre politique étrangère traditionnelle, modérée et conciliatrice. Là encore, ce n'est pas le bouton à quatre trous.

Les libéraux savent que M. Trudeau ne pourra en rester longtemps à de telles généralités. Ils vont mettre de la viande autour de l'os. Le nouveau chef sera-t-il à son aise avec des propositions plus détaillées? On verra aussi si l'approche romantique survivra aux coups que ne manqueront pas de lui asséner ses adversaires.

Justin Trudeau a encore beaucoup de travail à faire avant de pouvoir prétendre au poste de premier ministre du Canada. N'empêche, comme il l'a fait à chaque étape depuis le début de sa carrière politique, il sort grandi de cette course à la direction.