Au sujet du financement illégal des partis politiques par les firmes de génie-conseil, le vice-président principal de Dessau, Rosaire Sauriol, a parlé de «cancer». Les travaux de la commission Charbonneau permettent de mesurer l'ampleur du système: de 1998 à 2010, Dessau et SNC ont chacune versé environ un million aux deux principales formations provinciales. BPR et Genivar ont donné environ un demi-million chacune.

Si la maladie a rongé à ce point notre démocratie , c'est qu'on l'a laissée faire des ravages pendant plus de 20 ans. Les politiciens savaient, les gens d'affaires savaient, mais tout le monde se taisait. Encore aujourd'hui, certains ont du mal à admettre l'existence de ce système. À preuve les propos de la première ministre, Pauline Marois, mardi, selon lesquels le Parti québécois «n'était pas au courant» du recours systématique aux prête-noms. Or, les témoignages entendus à la commission confirment ce qui était un secret de Polichinelle: le PQ et le PLQ ont, pendant des années, sollicité (harcelé, même) des firmes de génie. Les partis ne pouvaient pas ignorer comment ces firmes procédaient pour recueillir les sommes importantes réclamées.

La pratique était si bien connue qu'il y a une douzaine d'années, l'ancien directeur général des élections, Pierre F. Côté, en était venu à suggérer qu'on permette aux personnes morales de contribuer au financement des partis afin de «mettre fin à la politique de l'autruche». Libéraux - particulièrement bien servis par ce stratagème - et péquistes ont continué à pomper l'argent.

En 2006, à la suite d'une enquête, le juge Jean Moisan a conclu: «Le subterfuge permettant aux personnes morales de contribuer au financement des partis au moyen de contributions sous le nom des employés est connu depuis longtemps et largement utilisé». Le gouvernement Charest n'a bougé que quatre ans plus tard, tentant de réduire la pression pour la mise sur pied d'une commission d'enquête publique. Le gouvernement Marois a depuis fermé la porte à double tour en limitant les contributions politiques à 100$ par personne.

Cependant, le mal était fait: les firmes de génie avaient mis le bras jusqu'à l'épaule dans l'illégalité et les élus fermaient les yeux tout en chantant les louanges de René Lévesque.

En échange des généreuses contributions versées au PQ et au PLQ, qu'obtenaient les firmes de génie? Les uns après les autres, les ingénieurs ont juré dur comme fer que, contrairement à ce qui se passait au niveau municipal, l'octroi des contrats du gouvernement du Québec n'était aucunement relié à leur participation au financement politique. Ainsi, des entreprises privées auraient donné des dizaines de milliers de dollars aux partis sans y trouver d'avantages concrets! Possible. Mais difficile à croire.