Une commission parlementaire a entrepris hier les auditions publiques sur le projet de loi 14 visant à renforcer la Charte de la langue française. À l'ouverture des travaux, la ministre responsable, Diane De Courcy, a affirmé sa volonté de concilier «la fermeté dans les objectifs et la souplesse dans les moyens». Cette volonté, dont la sincérité ne fait pas de doute, devrait mener la ministre à apporter des modifications substantielles au projet de loi.

Bien que nous ne partagions pas le constat alarmiste du gouvernement sur le «recul du français», nous accueillons favorablement plusieurs éléments de la législation proposée. C'est le cas de l'exigence d'une compétence suffisante en français pour tous les diplômés du secondaire et du collégial. C'est le cas aussi du droit reconnu aux immigrants d'apprendre le français et de «bénéficier de mesures raisonnables d'accueil et d'intégration à la vie québécoise». Ce droit imposera à l'État le devoir d'en faire davantage dans ce domaine crucial pour l'avenir de notre société.

Nous applaudissons aussi l'intention de renforcer le droit des consommateurs à être servis en français, la langue de service étant un des principaux motifs de mécontentement des francophones de Montréal.

Par contre, d'autres propositions du gouvernement Marois relèvent de l'esprit tracassier illustré récemment lors d'inspections de l'Office québécois de la langue française (OQLF). On comprend mal que, compte tenu de ces incidents déplorables, le projet de loi prévoit une approche plus dure auprès des entreprises en supprimant l'étape de la mise en demeure avant qu'un dossier soit déféré au directeur des poursuites criminelles et pénales.

Il est particulièrement mal avisé d'élargir les pouvoirs des enquêteurs de l'Office, par exemple en leur permettant d'ordonner «la communication de tout livre, compte, registre, dossier ou document». Il est abusif de leur permettre de «saisir immédiatement toute chose dont (ils ont) des motifs raisonnables de croire qu'elle est susceptible de faire la preuve de la perpétration d'une infraction.»

Enfin, les exigences envisagées pour les PME (26 à 49 employés), déjà ensevelies sous la paperasse, sont excessives. La loi pourrait se contenter d'exiger que ces entreprises fassent le nécessaire pour assurer une environnement de travail et un service en français, compte tenu du contexte particulier à chacune, plutôt que d'imposer des mesures précises et la rédaction de rapports au gré de l'OQLF.

Fermeté dans les objectifs, souplesse dans les moyens: l'approche exprimée par la ministre est la bonne. Il reste à la traduire dans le libellé du projet de loi 14.