Cinq mois après avoir essuyé un refus cinglant, BCE a déposé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) sa nouvelle proposition d'acquisition du télédiffuseur québécois Astral. Ayant d'abord cherché à faire renverser la décision initiale, Bell est revenue à la raison et s'est mise à l'écoute du Conseil et du Bureau de la concurrence. La semaine dernière, ce dernier a approuvé la transaction revue et corrigée. On voit mal pourquoi le Conseil ne ferait pas de même à l'issue des audiences publiques de mai prochain.

À l'égard de la transaction initiale, la principale inquiétude du CRTC portait sur la part de marché dominante qu'acquerrait Bell-Astral. Le Bureau de la concurrence a exprimé la même préoccupation, de sorte que BCE a dû accepter de se départir de plusieurs des chaînes qu'elle obtiendrait d'Astral. Ainsi, la part d'écoute de la télévision de langue anglaise de BCE-Astral ne serait plus de 43 % mais de 36 %, à peine plus que celle actuellement détenue par Bell. Dans le marché de langue française, la nouvelle entreprise n'aurait plus 33 % de part d'écoute mais 23 %, comparativement à 30 % pour Québecor. Par conséquent, au Canada anglais, Bell ne serait pas plus puissante qu'aujourd'hui tandis qu'au Québec français, elle serait encore loin derrière Québecor. Ayant vendu plusieurs des services spécialisés acquis d'Astral, BCE ne pourrait pas abuser de sa position au détriment des distributeurs concurrents.

Avant d'approuver une acquisition, le Conseil exige que l'acheteur s'engage à investir dans le système de radiodiffusion canadien des «avantages tangibles» équivalant à 10% de la valeur de la transaction. L'offre d'«avantages tangibles» prévue par la transaction originale avait déçu les commissaires, notamment parce qu'une part importante allait être consacrée à l'accès des communautés du Nord à internet large bande plutôt qu'à des projets à l'écran.

Là encore, BCE a corrigé le tir. Les «avantages tangibles» proposés, 125 millions, sont pour l'essentiel consacrés au financement de nouvelles productions canadiennes.

En somme, BCE a réaménagé son entente avec Astral afin de répondre aux inquiétudes exprimées par le CRTC et le Bureau de la concurrence. Pour les consommateurs et les annonceurs, la nouvelle proposition conserve son principal attrait, soit la création au Québec d'une entreprise suffisamment forte pour contester la domination de Québecor dans la distribution et la radiodiffusion. De plus, dans l'ensemble du pays, la nouvelle entreprise sera mieux en mesure d'offrir aux Canadiens des solutions de rechange nationales aux services américains tels Netflix et Apple TV, qui échappent à toute supervision du CRTC.

Depuis l'automne, Bell a fait les devoirs que le Conseil lui avait imposés. Cela étant, il serait incompréhensible que le CRTC ne donne pas le feu vert à la transaction.