Les accusations criminelles déposées vendredi contre le sénateur conservateur Patrick Brazeau concernent sa vie privée et n'ont rien à voir avec l'institution où il siège. Cependant, cette nouvelle controverse dans la carrière mouvementée de M. Brazeau se produit à un moment où la chambre haute est dans l'embarras en raison du comportement de deux autres de ses membres.

Comme le sénateur Brazeau, les sénateurs Mike Duffy (conservateur) et Mac Harb (libéral) font l'objet d'une vérification par le comité de gestion interne du Sénat. On les soupçonne tous trois d'avoir réclamé l'allocation annuelle (jusqu'à 21 000$) prévue pour les membres dont la résidence principale est située à plus de 100 kilomètres d'Ottawa. Or, des médias ont découvert que MM. Brazeau, Duffy et Harb vivent en permanence dans la capitale fédérale, et non là où ils soutiennent avoir leur résidence principale.

Ainsi, le sénateur Duffy vit depuis de nombreuses années à Ottawa, même s'il représente l'Île-du-Prince-Édouard. Il se rend dans cette province, au chalet déclaré comme résidence principale, seulement pendant la période estivale.

Cette affaire met en lumière le côté archaïque de l'institution. Comme les sénateurs ne sont pas élus, pourquoi s'efforceraient-ils de plaire à leurs commettants? Ils n'ont donc pas, contrairement aux députés, à retourner régulièrement dans leur circonscription.

Bien que les sénateurs font parfois oeuvre utile (voir le rapport de la semaine dernière sur les écarts de prix entre les États-Unis et le Canada), chaque controverse mine la crédibilité de cette institution dépassée. Malheureusement, tous les gouvernements qui ont tenté de la moderniser se sont cassé les dents.

Le premier ministre Stephen Harper a tenté d'apporter des changements sans passer par des négociations constitutionnelles. À son tour, il a frappé un mur. Il vient de déposer la patate chaude dans les mains des juges de la Cour suprême.

Quelle que soit la conclusion de ces derniers, le jugement aura le mérite de clarifier les choses. On saura, une fois pour toutes, comment il faut s'y prendre pour réformer le Sénat. Le fédéral peut-il apporter certains changements unilatéralement? Combien de provinces doivent donner leur accord selon la nature des changements envisagés (notamment l'abolition pure et simple)?

Une fois ces questions réglées, les politiciens devront saisir l'occasion et faire une nouvelle tentative de réforme. Si rien ne change à moyen terme, la légitimité du Sénat sera réduite à néant. Et l'enjeu est plus grand. En effet, les faiblesses du Sénat nourrissent le désabusement des Canadiens à l'égard de la classe politique. Le statu quo est donc malsain pour notre régime démocratique.