Au fil des ans, la jeunesse militante s'est battue pour le droit aux études, pour le droit à une éducation de qualité et pour le droit à une éducation accessible. Voici que le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, envisage d'accorder aux jeunes un droit de plus, qui n'existe nulle part ailleurs: le droit de grève.

La crise du printemps dernier a fait surgir des arguments favorables à une reconnaissance formelle du droit de grève des étudiants. Une telle mesure permettrait d'encadrer le recours à ce moyen de pression, un peu comme le droit de grève des travailleurs est balisé par le Code du travail. En particulier, une association étudiante ne pourrait déclencher une grève qu'après la tenue d'un vote secret, ce qui éviterait les nombreux abus démocratiques commis lors des assemblées étudiantes d'il y a quelques mois.

Toutefois, les inconvénients d'une telle législation seraient beaucoup plus importants que les avantages. Elle créerait un précédent: pour la première fois, on reconnaîtrait à un groupe de bénéficiaires d'un service de l'État le droit de priver d'autres personnes de ce service.

Le droit de grève des travailleurs a une contrepartie: le droit de lock-out. Le ministre Duchesne serait-il prêt à reconnaître aux cégeps et universités un droit équivalent, celui d'annuler une session perturbée par un débrayage étudiant?

Employeurs et employés n'abusent pas des droits que leur confère le Code du travail parce que l'exercice de ceux-ci leur coûte cher. Pour leur part, les étudiants grévistes ne perdent rien. Ils savent d'expérience que les cégeps et universités vont se plier en quatre pour leur permettre de compléter leurs cours. Toutes les dépenses engendrées par leurs moyens de pression seront payées par les contribuables, ceux-là mêmes qui assument déjà l'essentiel du coût de leurs études.

Enfin, qui nous dit que si on leur accordait dans une loi le droit de faire la grève, les militants étudiants respecteraient les autres lois votées par nos parlements, dont certaines ne font pas leur affaire? M. Duchesne leur garantira-t-il aussi le droit de manifester en tout temps et en tout lieu sans aviser les policiers, de perturber à leur guise la circulation automobile et les transports collectifs?

Le ministre estime qu'en parlant de boycott des cours plutôt que de grève, le gouvernement libéral a engendré la crise que l'on sait. En réalité, cette crise est due au refus du gouvernement Charest de céder à toutes les revendications du mouvement étudiant, combiné à la colère généralisée contre ledit gouvernement.

Le Parti québécois a désamorcé le conflit en donnant aux militants étudiants tout ce qu'ils demandaient. Si, en plus, il devait leur accorder le droit de faire la grève, il ferait preuve d'un déplorable aplat-ventrisme.