Il y a trois ou quatre ans, l'urgence était à la lutte aux changements climatiques. Des experts annonçaient l'épuisement des réserves de pétrole et une augmentation vertigineuse des prix. L'indépendance énergétique promise par Barack Obama semblait relever de l'utopie.

Tout cela a changé. Oubliez le scénario du «peak oil»: selon le rapport publié hier par l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les réserves mondiales de pétrole récupérables, en tenant compte des avancées technologiques prévisibles, suffiront à satisfaire la demande pour au moins 189 ans. Les réserves immédiatement exploitables ont augmenté du tiers au cours de la dernière décennie. Cette augmentation est due, notamment, à de nouvelles évaluations du potentiel d'une gigantesque formation de sables bitumineux... au Venezuela. Ce pays jouit désormais des plus abondantes réserves prouvées du monde: 300 milliards de barils, plus que l'Arabie saoudite et presque deux fois les réserves du Canada.

Grâce à la technique de la fracturation du schiste, les États-Unis réduiront considérablement leurs importations de pétrole, en particulier celles venant du Proche-Orient, au cours des 20 prochaines années. Nul ne sait comment cette nouvelle donne affectera la politique de Washington à l'égard des pétromonarchies arabes.

Ce nouveau monde énergétique comporte son lot d'incertitudes pour le Canada. Le rapport de l'AIE souligne qu'à défaut de nouveaux oléoducs pour transporter le pétrole aux États-Unis et sur la côte ouest (pour l'exportation en Asie), la production de l'Ouest canadien dépassera la capacité d'exportation dès 2016.

Ces changements rendront encore plus difficile la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Selon les projections de l'Agence, ces émissions continueront d'augmenter de sorte que la température moyenne de la planète pourrait atteindre à long terme 3,6 degrés de plus qu'avant l'industrialisation. Les spécialistes estiment qu'une hausse de plus de 2 degrés risque d'aggraver les dérèglements du climat.

La crise économique a diminué la pression sur les dirigeants politiques pour qu'ils s'attaquent aux changements climatiques. Or, à mesure que le temps file, le problème devient plus difficile à régler. Ainsi, la presque totalité de l'augmentation de la demande en énergie prévue d'ici 2035 viendra de pays hors de l'OCDE, pays auxquels on peut difficilement demander de freiner leur développement. À elle seule, la Chine sera à l'origine d'un tiers de cette demande supplémentaire; à titre d'exemple, le nombre d'automobiles y passera de 60 millions à 400 millions.

Le volumineux rapport publié hier par l'AIE montre que les politiques mises en place par différents pays pour réduire la consommation d'énergie portent leurs fruits. Malheureusement, la volonté politique est beaucoup trop faible pour s'imposer face à des besoins et à des technologies qui évoluent à un rythme sans précédent.