Du témoignage de l'ancien ingénieur de la Ville de Montréal Gilles Suprenant, il est ressorti que le comité exécutif a approuvé presque tous les projets de travaux d'égouts soumis, ce malgré des coûts gonflés pour satisfaire les entrepreneurs. «Ça ne m'est jamais revenu. Ça a toujours été accepté à tous les échelons et, évidemment, jusqu'au comité exécutif», a raconté «monsieur TPS».    

Plusieurs ont conclu que les membres du comité exécutif ont, par malhonnêteté ou par incompétence, laissé passer la hausse faramineuse des coûts. «Les sommaires décisionnels sont signés par l'ingénieur, par son superviseur et par le directeur du service, qui nous disent que tout est correct. Je faisais confiance aux gens en place», a expliqué Georges Bossé, membre de l'exécutif de la Ville de 2002 à 2005, au cours d'une entrevue accordée à Paul Arcand. «L'élu devient la marionnette des fonctionnaires», a déploré M. Arcand.

Ce n'est pas la première fois qu'on reproche aux élus de se fier aveuglément à l'avis des bureaucrates. Paradoxalement, on les accuse aussi du contraire. Dans l'affaire de l'attribution des places en garderie, on a notamment blâmé la ministre Michelle Courchesne parce qu'elle n'avait pas suivi toutes les recommandations de ses fonctionnaires. Alors, que voulons-nous?

Depuis qu'ont éclaté les scandales relatifs à la collusion dans l'attribution des contrats publics, l'opinion tient généralement pour acquis qu'il vaut mieux tenir les politiciens le plus loin possible de ce processus. C'est pourquoi le gouvernement Marois envisage de transformer le ministère des Transports en agence indépendante. Pourtant, la commission Charbonneau a montré que les fonctionnaires peuvent eux aussi être corrompus. Ultimement, les élus sont imputables des décisions. Si la population est mécontente, c'est sur eux qu'elle a une prise, pas sur la fonction publique. Aussi est-il dans leur intérêt comme dans le nôtre qu'ils prennent leurs responsabilités de décideurs au sérieux. Qu'ils tiennent compte, évidemment, des conseils prodigués par les fonctionnaires. Mais aussi qu'ils osent, parfois, aller à l'encontre de ces conseils. Dans sa Lettre à un jeune politicien (VLB éditeur), Lucien Bouchard déplore que les politiciens aient laissé le ministère de l'Éducation implanter sa réforme pédagogique: «On ne se serait pas fourvoyé si on n'avait pas laissé autant de liberté aux fonctionnaires pédagogues.»

Par contre, il faut craindre ceux que le politologue acadien Donald Savoie appelle les «ministres machos», qui «prennent plaisir à défier et même à renverser les positions et les décisions de leur ministère.» Les choses sont rarement aussi simples que ne le croient les populistes.

La commission Charbonneau fournit l'occasion d'une réflexion sur les responsabilités respectives des élus et de la fonction publique. Les premiers sont-ils toujours coupables de tout?