Une lecture superficielle des données du recensement 2011 sur la langue, publiées hier, semble donner raison aux alarmistes selon lesquels le français recule au Québec. Ainsi, au cours des 10 dernières années, la proportion de Québécois parlant généralement le français à la maison est passée de 83 à 81%. Dans la région métropolitaine de Montréal, la part des habitants parlant seulement le français à la maison a glissé de 62,4 à 56,5% de 2001 à 2011.*

Cependant, ce déclin apparent cache une réalité à la fois plus complexe et plus favorable au français. Il faut d'abord se rappeler qu'au cours des dernières années, le Québec a reçu un nombre d'immigrants sans précédent depuis la Révolution tranquille. Une vague de cette ampleur a pour conséquence inévitable une diminution de la proportion de personnes ayant le français comme langue maternelle ou langue d'usage.

Le recensement confirme toutefois une tendance encourageante: les Québécois d'origine immigrante se tournent de plus en plus vers le français. Ainsi, la proportion de personnes de langue maternelle autre que le français et l'anglais qui parlent désormais le français à la maison grimpe, de 20,4% en 2001 à 24,1% aujourd'hui.

Résultat des exigences de la loi 101 et de la recherche par Québec d'immigrants plus proches de la culture française, l'immigration ne gonfle plus les rangs de la communauté anglophone de la province. La part des transferts linguistiques vers l'anglais a d'ailleurs glissé de 22,1 à 19,7%.

Cela dit, la situation sur l'île de Montréal représente un défi particulier. C'est là, on le sait, que s'installent la plupart des nouveaux arrivants. Malheureusement, c'est aussi là que les francophones de souche sont de moins en moins nombreux. Ceux-ci n'abandonnent pas leur langue maternelle, ils abandonnent l'île (lire à ce sujet le commentaire de François Cardinal, à LaPresse.ca). Le ministre responsable de Montréal, Jean-François Lisée, a donc raison d'envisager des mesures visant à encourager les jeunes familles, notamment francophones, à rester sur l'île.

Dans l'analyse de la situation linguistique au Québec, il faut considérer les mouvements survenant d'un recensement à l'autre à la lumière de l'évolution sur la longue période. De 1951 à aujourd'hui, une chose n'a pas changé: les francophones constituent quelque 80% de la population totale de la province. Le changement le plus important ne touche pas les Québécois parlant français, mais les anglophones. Aussi menaçant qu'il paraisse à plusieurs, l'anglais perd lentement du terrain: alors que la communauté de langue maternelle anglaise représentait 14% de la population du Québec en 1951, sa part n'est plus que de 8%.

*Toutes ces données doivent être interprétées avec prudence en raison de l'effet possible de différences entre le questionnaire de 2011 et ceux des années précédentes.