Après une semaine d'audiences publiques, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) doit décider s'il approuve ou non l'acquisition du groupe québécois de télévision et de radio Astral par le géant Bell. La décision est importante: d'une valeur totale de 3,4 milliards, la transaction modifiera sensiblement le paysage médiatique au pays.

Pour ce qui est du marché québécois, nous l'avons déjà écrit ici, cette transaction nous semble globalement avantageuse parce qu'elle promet de mettre fin à la domination de Québecor dans le domaine de la télévision et de la distribution.

En ce qui a trait à l'impact de la fusion Bell-Astral d'un océan à l'autre, plusieurs personnes et groupes ont exprimé des inquiétudes légitimes. Ils craignent que Bell Media ne profite de sa position de force, notamment au Canada anglais et dans le secteur des chaînes spécialisées, pour imposer sa loi aux consommateurs, aux distributeurs et aux annonceurs.

Nous croyons que, de façon générale, l'imposante réglementation déjà mise en place par le CRTC permettra d'éviter tout abus de ce genre. Aussi récemment que l'été dernier, le Conseil a resserré sa politique pour empêcher d'éventuelles pratiques déloyales de la part des entreprises intégrées de programmation et de distribution.

Néanmoins, les commissaires devraient imposer à Bell des conditions spécifiques visant à prévenir les effets pervers possibles de la transaction. Ainsi, il faudrait demander à Bell de se départir d'une part, petite mais significative, de ses actifs en radio (Bell a pris des dispositions en ce sens) et en télévision spécialisée.

Chaque fois qu'une entreprise de radiodiffusion en acquiert une autre, le CRTC impose qu'elle consente des dépenses supplémentaires, dits «avantages tangibles», pour des projets qu'elle n'aurait pas lancés autrement. Parmi les initiatives proposées par Bell, d'une valeur de 240 millions, toutes ne semblent pas contribuer à un enrichissement de la programmation et de la diversité des voix. Le Conseil serait bien avisé d'exiger des améliorations sur ce plan.

Selon diverses organisations québécoises, le CRTC devrait ordonner à Bell de garantir que les décisions relatives au contenu de langue française continueront d'être prises à Montréal. Bell s'y est déjà engagée - c'est de toute façon dans son intérêt - et n'aura donc pas objection à l'ajout de cette garantie aux conditions d'approbation.

De telles exigences ne calmeront pas toutes les craintes. Toutefois, empêcher la transaction comporterait des risques beaucoup plus grands, par exemple le démantèlement d'Astral ou son acquisition par une entreprise moins bien placée que Bell pour en développer le formidable potentiel.