«Pas très croustillant», ont conclu plusieurs commentateurs à l'issue de la première journée d'audiences de la commission Charbonneau après la pause estivale. Ils faisaient allusion aux propos du procureur de la commission, Sylvain Lussier, qui promettait vendredi dernier du «croustillant». Or, le témoignage rendu hier par l'historien de l'industrie de la construction, Louis Delagrave, était tout sauf percutant.

Toutefois, quoi qu'en disent commentateurs et téléspectateurs, le côté spectaculaire ou ennuyeux des témoignages qui seront entendus n'a aucune importance. On ne devrait pas mesurer la valeur des travaux de la commission par leur degré de «croustillance».

Comme d'autres avant elle, la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction a choisi de commencer ses travaux par une description du contexte dans lequel ont cours les problèmes qu'elle doit étudier. Cette partie initiale des travaux d'une enquête publique suscite rarement beaucoup d'intérêt. Ce fut le cas pour la première phase des travaux de la fameuse commission Gomery.

Les propos tenus hier par la commissaire France Charbonneau et la procureure Sonia Lebel sont rassurants. Ils montrent que l'enquête avance. Ainsi, on a appris que des témoins viendront raconter comment des entrepreneurs se sont partagé des contrats de trottoirs, d'égouts et d'asphalte à Montréal et «de quelle façon des fonctionnaires de la Ville auraient été soudoyés et comment une partie de l'argent aurait été recueillie pour des partis politiques municipaux.»

Me Lebel a indiqué que la Commission avait déjà une perception générale de la manière dont s'y prend le crime organisé pour infiltrer l'industrie de la construction: «Le crime organisé n'attaque pas le système. Il l'utilise. Ce qu'il faut comprendre et combattre, c'est ce processus de normalité qui s'est installé.»

La démarche de la Commission est maintenant bien structurée. Dans un premier temps, on se penchera sur les liens entre le crime organisé et la construction. Plus tard, les commissaires étudieront la collusion dans l'octroi des contrats de travaux publics, puis le financement des partis politiques.

La commissaire a expliqué pourquoi on avait jugé bon d'inviter à témoigner des experts étrangers (dont, apparemment, le célèbre Donnie Brasco). «Nous estimons essentiel de bénéficier de l'expérience des autres et d'analyser les mesures de lutte et de prévention que certains ont su mettre en place», a-t-elle dit. Une bonne idée.

En somme, cette première audience automnale a donné l'impression d'une enquête solidement sur les rails, disposant d'un plan de travail clair. Cette démarche ordonnée, ce travail approfondi ne produiront peut-être pas chaque jour des révélations sensationnelles. Cependant, ils permettront vraisemblablement de dresser un portrait rigoureux de la gangrène qui ronge une partie de l'industrie de la construction et de nos institutions publiques.