La Cour suprême a entendu cette semaine une cause importante pour l'avenir de notre système électoral. Elle doit statuer sur la validité de l'élection fédérale du 2 mai 2011 dans la circonscription ontarienne d'Etobicoke-Centre, élection remportée par le conservateur Ted Opitz par une mince avance de 26 voix contre le libéral Borys Wrzesnewskyj.

Le candidat malheureux allègue que des irrégularités ont été commises le jour du vote et que celles-ci ont pu influer sur le résultat. Par conséquent, il réclame l'annulation de l'élection dans cette circonscription. Un juge de la Cour supérieure de l'Ontario, Thomas Lederer, a donné raison à M. Wrzesnewskyj.

Les irrégularités commises sont de natures cléricales. Comme l'a souligné le juge Lederer, «il n'est pas allégué ici que quelqu'un a tenté de perturber ou de saper la conduite de cette élection. Ce scrutin a été mené par des officiers publics responsables et de bonne foi.»

En analysant la documentation remplie par les travailleurs d'élection dans 10 bureaux de vote, les libéraux ont constaté que les certificats d'enregistrement de certains électeurs s'étant inscrits sur la liste électorale le jour du vote étaient introuvables. Dans d'autres cas, les certificats avaient été mal remplis. Pour des électeurs s'étant présentés sans preuve d'identité, les renseignements relatifs à l'attestation de leur identité par une connaissance étaient incomplets. Ainsi, pour au moins quelques dizaines d'électeurs, les responsables du vote n'avaient pas satisfait toutes les exigences de la loi électorale.

Le juge Lederer a conclu qu'à cause de ces erreurs, 79 votes devaient être rejetés. Ce nombre étant plus élevé que l'écart entre les deux principaux candidats, le magistrat a annulé l'élection. La décision n'a toutefois pas été facile à prendre, le juge qualifiant le dossier de «casse-tête». C'est maintenant à la Cour suprême de mettre les pièces au bon endroit.

À notre avis, le tribunal devrait statuer que le scrutin en question était valide. Le déroulement des élections fédérales au Canada repose sur les épaules de 230 000 travailleurs qui, sur la base d'une formation nécessairement limitée, doivent faire respecter une loi complexe tout en facilitant la tâche des personnes aptes à voter. Dans un tel contexte, il est inévitable que des erreurs cléricales se produisent. Un formulaire introuvable ou mal rempli n'est ni la preuve ni même l'indice d'une fraude électorale.

Si la Cour conclut qu'une élection peut être annulée sur la seule base d'erreurs cléricales, sans quelque indication que ce soit que des gestes visant à fausser les résultats ont été commis, elle ouvrira la porte à une multitude de contestations. Encore plus qu'aujourd'hui, la lutte politique se déplacera devant les tribunaux. Or, ce n'est pas là qu'elle doit se livrer.