Hier matin, une trentaine de jeunes masqués ont bloqué l'entrée du Collège de Maisonneuve, malgré l'émission d'une injonction leur interdisant de le faire. Plutôt qu'appeler les policiers à la rescousse pour faire respecter la loi, la direction de l'établissement a annulé les cours. Conséquence, de nombreux étudiants voulant retourner en classe n'ont pas pu le faire.

Depuis le début du boycott, les leaders étudiants se réclament de la démocratie. Or, au cours des derniers jours, de nouveaux incidents amènent à douter encore plus de l'authenticité de la démocratie pratiquée par le mouvement. À Maisonneuve, la situation est d'autant plus frustrante pour les jeunes qui souhaitent reprendre leurs cours que lundi, une assemblée visant reconsidérer le vote de grève illimitée n'a pas pu être tenue. Pourtant, 800 étudiants étaient en faveur d'une telle réunion et 500 contre. Les jeunes ont appris avec stupéfaction que l'ouverture d'une assemblée visant à reconsidérer un vote précédent exigeait l'appui des deux tiers des personnes présentes.

Cette règle prévaut dans plusieurs associations étudiantes qui ont adopté un mandat de grève de longue durée, par exemple jusqu'«au retour du gel des droits de scolarité»: il faudra une majorité des deux tiers pour mettre un terme au boycott.

La norme est tirée du code Morin, le recueil de procédures des assemblées des syndicats CSN. Cependant, selon le professeur Michel Grant, spécialiste des relations de travail à l'UQAM, l'utilisation du seuil des deux tiers pour un enjeu aussi lourd de conséquences qu'une grève n'a aucun sens: «Aucun syndicat ne pourrait exiger une majorité des deux tiers pour mettre un terme à une grève.»

Non-respect des injonctions, abus de procédure, transport d'étudiants d'une ville à l'autre pour bloquer l'accès aux établissements, les militants étudiants se croient tout permis pour atteindre leurs fins.

Par ailleurs, la faible participation des étudiants aux assemblées est consternante quand on sait que leur session et leurs emplois d'été sont menacés. Cette semaine, aux cégeps Édouard-Montpetit et Montmorency, deux établissements accueillant environ 6000 étudiants, à peine le tiers d'entre eux se sont présentés pour voter. Dans les deux cas, la reconduction du boycott a été adoptée par une forte majorité. Mais où étaient les autres étudiants?

Militants étudiants et syndicats d'enseignants déplorent la «judiciarisation» du conflit. Ils sont dans l'erreur. Dans l'état actuel des choses, rien n'autorise une association étudiante, même après un vote majoritaire, à empêcher d'autres jeunes d'aller à leurs cours. Si les associations veulent obtenir ce droit, elles devront se soumettre à des conditions définies par loi, comme l'ont fait les syndicats. Parmi ces conditions devra figurer l'obligation de tenir un vote secret pour tout boycott des cours.

Tant que cet encadrement légal n'existera pas, les «grévistes» n'ont tout simplement pas le droit, autant du point de vue moral que légal, d'imposer leur volonté aux jeunes qui veulent étudier.