Depuis que des entreprises minières et gazières manifestent un vif intérêt pour le Québec, les appels se multiplient pour que l'État accroisse sa part du gâteau, notamment en augmentant les droits d'exploration et les redevances et en prenant des participations dans les entreprises impliquées.

Ces propositions valent d'être discutées mais avant d'emprunter cette voie, il faudra tenir compte du fait que le domaine des ressources naturelles est le plus imprévisible qui soit. Les prix qui sont élevés aujourd'hui pourraient fort bien chuter, rendant les entreprises hypersensibles aux taxes qu'on leur impose. De plus, l'État qui investit dans ce domaine pourrait un jour subir des pertes que les contribuables auraient bien du mal à accepter.

Rappelons-nous qu'il y a une décennie, le gouvernement du Québec se pliait en quatre pour relancer l'économie des régions minières. Les avantages fiscaux consentis aux minières, dénoncés aujourd'hui, datent de cette époque. On tient pour acquis aujourd'hui que le boom minier n'aura pas de fin. Bien sûr, il y a la Chine. Mais, qui sait?

L'exemple du domaine de l'énergie est frappant. Il y a cinq ans, il était clair que l'Amérique du Nord devrait importer de plus en plus de gaz naturel en raison de la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre; on construisait des terminaux méthaniers, tel le projet Rabaska, près de Québec, pour recevoir les cargaisons de gaz naturel liquéfié. Aujourd'hui, à la suite des percées technologiques permettant l'exploitation du gaz de schiste, les États-Unis et le Canada sont inondés de gaz naturel. Le prix a tombé, de sorte que le gaz est redevenu la source d'énergie d'avenir, du point de vue écologique comme économique. Oubliez la relance du nucléaire et le «charbon propre»; aux États-Unis, on prévoit la construction de 258 centrales électriques au gaz d'ici 2015.

Les mêmes percées technologiques ont rendu exploitables d'imposantes réserves de pétrole dans le nord des États-Unis et au Texas. Ces nouvelles sources de pétrole causent un problème inattendu pour les producteurs canadiens: les raffineries du Midwest opèrent à pleine capacité et ne sont plus en mesure d'accueillir le pétrole venant du nord. Le prix du pétrole canadien a par conséquent glissé de 10$ à 30$ le baril de moins que le prix de référence (West Texas Intermediate). Cet écart pourrait coûter cette année 18 milliards aux producteurs canadiens et 2 milliards au gouvernement albertain.

Bref, on le voit, le marché de l'énergie du continent vient de changer du tout au tout. Les autres ressources naturelles ne sont pas à l'abri de tels bouleversements. Cela devrait inciter à la prudence ceux qui croient qu'on peut miser sans risque sur les mines.