Le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, a suscité tout un émoi cette semaine en rendant l'industrie pétrolière de l'Ouest responsable des malheurs économiques de sa province. De dire M. McGuinty, la montée des prix du pétrole a fait grimper la valeur de la devise canadienne - «un pétro-dollar» - et cette hausse a coupé les ailes du secteur manufacturier ontarien.

Au Québec, on entend régulièrement exprimer la même thèse. Les souverainistes, notamment, voient dans l'impact dévastateur du dollar élevé sur nos fabricants un argument supplémentaire en faveur de l'indépendance. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit au mieux d'une démonstration simpliste, au pire de propos trompeurs.

Il ne fait pas de doute que la montée en flèche du dollar depuis le creux de 2002 a causé d'énormes difficultés à l'industrie manufacturière du Canada central. Au cours des dix dernières années, le secteur de la fabrication a perdu 163 000 emplois au Québec et 300 000 en Ontario.

Il faut toutefois savoir que le prix du pétrole n'est pas la seule cause de la montée du huard. La bonne santé fiscale du gouvernement canadien comparée à l'état des comptes à Washington et les taux d'intérêt plus élevés ici ont aussi joué. En outre, la cherté du dollar canadien n'est pas seul en cause dans le déclin de l'industrie manufacturière; la tendance est amorcée depuis plusieurs années dans la plupart des économies développées.

Une fois l'accusation portée, qu'ont à proposer les critiques du pétro-dollar? M. McGuinty dit souhaiter un dollar faible. À court terme, il est peu probable que cela advienne, compte tenu de la forte demande pour les richesses naturelles. Et puis il y a quelque chose de malsain à ce qu'une région du pays mise sur l'affaiblissement d'une autre pour sa prospérité. Le problème de fond des industries manufacturières ontarienne et québécoise, c'est une productivité sensiblement plus faible que celle de leurs compétitrices américaines. Cette tare a été longtemps camouflée par l'avantage que leur conférait la faiblesse du huard. Aujourd'hui, elles n'ont plus le choix: elles doivent produire plus et mieux avec moins. Sur la durée, cette évolution sera salutaire.

Les souverainistes, eux, prétendent que l'indépendance réglerait le problème. Pourtant, aux dernières nouvelles, ils proposent qu'un Québec souverain continue d'utiliser le dollar canadien. Par conséquent, les fabricants québécois resteraient comme aujourd'hui soumis aux variations de la devise canadienne.

Les changements conjoncturels forcent constamment les économies régionales à s'ajuster. Deux choses sont sûres. Premièrement, le Canada entier tire grand avantage du fait qu'il dispose de ressources naturelles aussi abondantes et diverses. Deuxièmement, quels que soient les aléas de la conjoncture, les économies flexibles, productives et innovantes sauront tirer leur épingle du jeu.