Si l'on en croit le rapport publié cette semaine par la Banque mondiale, la Chine s'apprête à transformer radicalement son modèle de développement de façon à devenir un pays plus riche, plus vert, plus juste et plus démocratique. S'appuyant sur une analyse exhaustive de la conjoncture chinoise, le document propose une stratégie économique qui doit permettre à la Chine d'accéder, d'ici 2030, au rang des pays à revenu élevé.

Audacieuse, la stratégie semble avoir obtenu l'aval de Pékin. D'abord, le rapport a été préparé en collaboration avec le Development Research Center (DRC), un organisme-conseil du gouvernement. Ensuite, selon le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, la démarche a bénéficié de l'«appui constant» du vice-premier ministre Li Keqiang, qui devrait être promu premier ministre l'automne prochain.

Selon les experts de la Banque mondiale et du DRC, le modèle qui a permis à la Chine de sortir du sous-développement n'est pas approprié à la prochaine étape de croissance du pays. Si elle n'en change pas, la Chine risque d'être victime du piège des revenus intermédiaires («middle-income trap») dans lequel stagnent nombre de pays. La République populaire ne peut plus seulement compter sur des salaires bas, sur l'importation de technologies et sur l'interventionnisme du gouvernement, des caractéristiques qui nuisent à l'émergence d'une société prospère, dynamique et stable. En outre, l'Empire du Milieu n'atteindra pas le stade supérieur du développement s'il laisse les inégalités croître, l'environnement se détériorer et les citoyens à l'écart des débats publics. «D'abord et avant tout, affirment les auteurs, l'ajustement requis nécessite un changement dans le rôle de l'État et de ses relations avec le marché, le secteur privé et la société civile.»

Ainsi, si l'on souhaite que la croissance future soit soutenue et durable, les grandes sociétés d'État qui contrôlent les secteurs stratégiques de l'économie devront être au moins partiellement privatisées et soumises à une concurrence accrue. Les ressources gouvernementales devraient être consacrées moins à la gestion d'entreprises et davantage à la fourniture de services publics. Déjà là, il y a tout un chantier.

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On ne trouve nulle part le mot démocratie dans les 468 pages du document, mais la stratégie mise de l'avant repose notamment sur «une participation accrue de la population dans l'élaboration, la mise en place et la supervision des politiques publiques.»

L'équipe qui prendra le pouvoir en 2013 fera-t-elle du rapport de la Banque mondiale sa feuille de route? Les avis divergent. De plus, même si c'est là l'intention des dirigeants, les résistances et les obstacles seront nombreux.

En tout cas, si la Chine se fixe des objectifs aussi ambitieux et met en place ne serait-ce qu'une partie des réformes suggérées, elle pourrait devenir d'ici deux décennies une grande puissance non seulement économique, mais aussi scientifique et culturelle.