Un communiqué publié hier matin par SNC-Lavalin a provoqué la panique parmi les actionnaires du groupe d'ingénierie: le titre a plongé de 20%, passant de 48,37$ à 38,43$, son plus bas niveau depuis mai 2009.        

Le communiqué annonçait une mauvaise nouvelle: le bénéfice net de l'entreprise pour l'année 2011 sera de 80 millions moins élevé qu'attendu. Dommage, mais ce n'est pas la catastrophe: SNC-Lavalin devrait quand même déclarer un profit de quelque 370 millions. Alors, pourquoi ce sauve-qui-peut des investisseurs?

Il se trouve dans le communiqué un passage particulièrement inquiétant, d'autant que l'entreprise a refusé de donner toute information supplémentaire. On y apprend que SNC a dû ajouter 35 millions à ses charges du quatrième trimestre, des paiements qui avaient été attribués à des projets de construction «auxquels ils ne se rapportaient pas». Le conseil d'administration a amorcé une enquête indépendante sur ces paiements et sur «certains autres contrats». En raison de cet imbroglio, la société doit reporter la publication de ces résultats annuels, d'abord prévue pour vendredi.

Cette affaire s'ajoute au départ précipité, il y a trois semaines, de deux vice-présidents. Ceux-ci pourraient être mêlés à une étrange histoire qui a amené la police mexicaine à appréhender Cynthia Vanier, une consultante envoyée par SNC en mission en Libye, où la firme a d'importants contrats. Les Mexicains soupçonnent Mme Vanier d'avoir tenté de faire entrer chez eux illégalement l'un des fils de l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi. Y a-t-il un lien entre cela et les mystérieux paiements de 35 millions? SNC ne répond pas.

Ce silence ne fait qu'accroître l'inquiétude. Les sommes détournées pourraient-elles être plus importantes? Les résultats des années précédentes pourraient-ils aussi comporter des erreurs?

Nous l'avons déjà dit ici, la direction de SNC-Lavalin gère mal cette crise. Non seulement découvre-t-on que les contrôles internes de la multinationale ont failli, mais en plus, on a la désagréable impression que ses dirigeants en savent beaucoup plus que ce qu'ils disent publiquement. Et l'absence totale du président et chef de la direction, Pierre Duhaime, généralement volubile, est incompréhensible. Son nom n'est même pas mentionné dans le communiqué d'hier.

SNC-Lavalin reste très solide. Son carnet de commandes s'élève à plusieurs milliards et elle dispose d'un magot d'un milliard dans ses coffres. De plus, l'avenir est extraordinairement prometteur, les besoins de la planète en infrastructures étant quasiment infinis. Mais SNC ne pourra profiter de ces opportunités que si elle préserve sa réputation d'excellence et d'intégrité. C'est cette réputation qui est menacée aujourd'hui. Or, en ces matières, les enseignements de l'histoire sont clairs: la transparence est toujours la meilleure politique. Les dirigeants de SNC s'en rendront-ils compte à temps?