Les données sur le marché de l'emploi publiées hier par Statistique Canada sont inquiétantes pour le Québec. En décembre, le taux de chômage y a bondi de 8% à 8,7% alors qu'il baissait dans la plupart des autres provinces. Au cours des 12 derniers mois, il s'est perdu 51 000 emplois au Québec. Pendant la même période, il s'en est créé 91 000 en Ontario et près de 200 000 dans l'ensemble du pays.

Cette hausse du taux de chômage n'est-elle qu'un sursaut statistique tel qu'on en voit de temps à autre? C'est possible; on verra alors ce taux diminuer quelque peu le mois prochain. Néanmoins, il y a bel et bien une tendance, une détérioration du marché du travail au Québec depuis l'été. Ainsi, de juillet à décembre 2011, le nombre de Québécois en emploi a baissé de 72 000. Dans le secteur privé, le nombre d'emplois perdus depuis juillet dépasse les 100 000. C'est énorme, surtout quand on sait que le gouvernement du Québec a investi 8,4 milliards en 2011-2012 pour l'amélioration des infrastructures publiques.

Que se passe-t-il? Ce n'est pas clair. Jusqu'à récemment, le Québec pouvait se vanter d'être sorti beaucoup plus rapidement que d'autres régions de la crise de 2008-2009. Le taux de chômage de la province était même passé sous celui de l'Ontario, du jamais vu. Or, voici que l'Ontario semble se relever: le taux de chômage y est aujourd'hui de 7,7%, un point de moins que celui du Québec.

Se pourrait-il que les choses reviennent à la «normale», c'est-à-dire que les faiblesses structurelles de l'économie québécoise, nos vieux démons, reviennent nous hanter (investissements privés insuffisants, fiscalité lourde, productivité moindre, etc.)? Il est trop tôt pour tirer une telle conclusion.

Les perspectives pour les prochains moins sont incertaines. L'économie des États-Unis, notre principal partenaire commercial, prend lentement du mieux (200 000 emplois créés en décembre). Par contre, la montée des prix du pétrole, si elle se poursuivait en raison des tensions entre l'Iran et l'Occident, pourrait tuer dans l'oeuf cette reprise. Et la menace que fait peser la crise des dettes souveraines en Europe demeure.

Jean Charest s'est fait réélire en 2008 en promettant d'avoir les deux mains sur le volant de l'économie. «Le Parti libéral, aime-t-il répéter, est le parti de l'économie.» Ayant réclamé la paternité de la bonne performance de l'économie de la province au cours des deux dernières années, le premier ministre pourra difficilement prétendre qu'il n'est en rien responsable de la détérioration survenue au cours de l'automne. Tel est pris qui croyait prendre.

Malheureusement, si la situation continue de se détériorer, Québec ne pourra pas faire grand-chose. Les investissements en infrastructures sont déjà au maximum. De plus, l'état des finances publiques laisse peu de marge de manoeuvre pour d'importantes mesures de stimulation de l'économie.