Le ministre du Patrimoine canadien, James Moore, a annoncé hier une série de projets visant à commémorer la guerre de 1812 entre les États-Unis et les territoires qui allaient devenir le Canada. Selon M. Moore, «les efforts héroïques de ceux qui se sont battus pour notre pays durant la guerre de 1812 ont façonné l'histoire du Canada tel que nous le connaissons aujourd'hui.»

En principe, on ne peut qu'applaudir toute initiative permettant d'améliorer la connaissance qu'ont les Canadiens de leur histoire. Un sondage mené en 2009 par Léger Marketing avait révélé que 4 Canadiens sur 10 (dont 6 Québécois sur 10) ne connaissaient pas suffisamment la guerre de 1812 pour dire qui, des États-Unis ou du Canada, l'avait emporté.

(L'ignorance des Québécois à ce sujet n'est pas étonnante. Autant nos historiens que la culture populaire ont donné beaucoup plus d'importance aux affrontements entre les Britanniques et les Canadiens (puis entre les Canadiens anglais et les Canadiens français) qu'aux événements où les deux groupes linguistiques ont collaboré, comme ce fut le cas lors de la guerre de 1812.)

Ce qui est inquiétant ici, c'est que le gouvernement Harper prenne la chose à coeur, comme il l'a fait dans le cas des symboles de la monarchie. On peut craindre que les conservateurs ne se servent d'une version caricaturale de l'histoire de la guerre de 1812 pour mousser, à leur profit, le nationalisme canadien.

Or, comme le soulignait la semaine dernière le chroniqueur Jeffrey Simpson, du Globe and Mail, cette guerre fut «un sale conflit, chaque pays étant profondément divisé et entraînant les autochtones avec eux de sorte qu'eux aussi s'entretuèrent».

Dans son communiqué, le ministère du Patrimoine canadien affirme: «Si la guerre de 1812 s'était terminée autrement, l'identité francophone du Québec n'existerait pas.» Exact... mais un peu court. Car après ce conflit, il y a eu les rébellions de 1837-1838, le rapport Durham, l'alliance Baldwin-LaFontaine, etc. Il a fallu bien d'autres luttes pour assurer la survie de l'identité francophone au Canada.

En somme, comme tout événement historique, la guerre de 1812 se prête mal à l'approche simpliste qu'affectionnent les conservateurs. Ce simplisme est confirmé par la liste des événements que compte commémorer le gouvernement, liste remise aux journalistes hier. On y trouve, pêle-mêle comme s'ils avaient tous la même importance, le centenaire de la bataille de la crête de Vimy, le 75e anniversaire de la bataille de Dieppe et... le centenaire de la Coupe Grey.

Heureusement, plusieurs des activités commémorant la guerre de 1812 seront préparées par les employés d'institutions nationales respectées (notamment le fort Chambly et le Musée canadien de la guerre). Ils devraient, comme c'est leur habitude, faire du beau travail. À moins que les politiciens ne s'en mêlent...