Parmi les victimes de la crise de confiance provoquée par le dévoilement d'affaires de collusion et de corruption dans les travaux publics, il y en a une dont on ne parle pas: la bonne foi.

Aujourd'hui, il est tenu pour acquis que pratiquement tout le monde, du premier ministre aux entrepreneurs, en passant par les ingénieurs, les policiers, les hauts fonctionnaires, les députés, les maires et les chefs syndicaux sont de mauvaise foi, nous mentent en pleine face pour servir leurs seuls intérêt et mieux flouer les contribuables.

Il n'est peut-être jamais arrivé, en tout cas dans l'histoire moderne du Québec, qu'un chef de l'opposition aille aussi loin que d'accuser le premier ministre de «protéger la mafia» comme l'a fait Pauline Marois il y a trois semaines. Pourtant, ses propos n'ont soulevé aucune indignation, comme s'il était dans l'ordre des choses d'associer le chef du gouvernement au crime organisé. Bien sûr, M. Charest s'entête à ne pas tenir d'enquête publique sur l'industrie de la construction. Évidemment, cet entêtement est fondé notamment, sinon principalement sur des considérations partisanes. Mais la protection du crime organisé? L'accusation est révoltante. D'autant que, Mme Marois le sait très bien, le système de collusion dont il est question aujourd'hui existait quand son parti était au pouvoir.

Il ne fait aucun doute que des collecteurs de fonds, des entrepreneurs et des firmes ont contourné les règles et que le crime organisé s'est approché dangereusement du domaine des travaux publics. Cela signifie-t-il que l'ensemble des institutions, que tous nos élus, que tout le patronat, que tous les acteurs de la construction sont pourris jusqu'à l'os, comme le laisse croire la rumeur publique? Non.

N'est-il pas probable, même certain que la plupart des personnes intervenant dans ce débat sont de bonne foi? Que Jacques Duchesneau n'était pas seulement mû par l'amour des caméras mais a vraiment été renversé par ce qu'il a découvert? N'est-il pas possible que Jean Charest, outre ses préoccupations partisanes, soit sincèrement inquiet de l'impact d'une enquête publique sur le travail policier?

On a vu jusqu'où le cynisme a pénétré les moeurs politiques quand l'opposition a mis en doute l'intégrité de Robert Lafrenière, patron de l'Unité permanente anticorruption. M. Lafrenière a eu le malheur de dire qu'une commission d'enquête pourrait nuire au travail des policiers. Il n'en fallait pas plus pour que la crédibilité sans faille qu'il a mis 40 ans à bâtir soit balayée du revers de la main. Personne ne s'est arrêté pour se demander si ses arguments pouvaient avoir quelque fondement. Pourquoi prendre cette peine, puisque de toute façon, Lafrenière faisait la job de bras de Charest, qui lui protège la mafia?

Pourquoi s'efforcer de réfléchir quand il est si facile de suivre la foule? Pourquoi débattre quand détruire est devenu si efficace?