L'assemblée annuelle du Fonds monétaire international, conclue samedi à Washington, a donné lieu à plusieurs appels à la zone euro afin qu'elle règle une fois pour toutes les problèmes d'endettement excessif de certains de ses membres. Le secrétaire au Trésor des États-Unis, Timothy Geithner, a déclaré que si la dette grecque n'était pas matée, les conséquences pourraient être «catastrophiques». Un commentaire auquel certains Européens ont rétorqué que les Américains étaient bien mal placés pour leur faire la leçon.

Si le monde est aujourd'hui menacé d'une seconde crise économique et financière en moins de quatre ans, c'est que les fissures apparues en Europe et aux États-Unis accentuent la nervosité des investisseurs, des entreprises et des consommateurs à peine remis des événements de 2008-2009. Tous supplient les politiciens de prendre les décisions fortes susceptibles de ramener la confiance. Quel paradoxe! La sortie de crise dépend de ceux-là mêmes qu'on méprise plus que jamais.

«Le fiasco du relèvement du plafond de la dette aux États-Unis et l'incapacité, à ce jour, des décideurs européens à surmonter la crise chez eux ont ébranlé la confiance des investisseurs dans l'efficacité des politiques publiques, a récemment souligné le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney. La combinaison de l'endettement élevé et des aléas de la politique est toxique.»

Si, en fin de semaine, les pressions ont surtout visé les Européens, on doit convenir que les politiciens du Vieux Continent agissent dans un contexte plus difficile que celui où oeuvrent leurs homologues américains. Après avoir beaucoup hésité, les premiers semblent en voie de donner des moyens supplémentaires au Fonds européen de stabilité financière. Cependant, à juste titre, ils donnent priorité à la ratification de la précédente réforme du FESF par les parlements des 17 pays membres de la zone, un défi considérable compte tenu du désabusement de l'électorat européen.

Pendant ce temps, aux États-Unis, la machine gouvernementale est bloquée et tout indique qu'elle le sera jusqu'à l'élection présidentielle de novembre 2012. Contrairement aux Européens, les élus américains ne peuvent invoquer des faiblesses institutionnelles ou l'éclatement socio-politique; la seule raison de leur inaction - on pense ici, surtout, aux républicains - est la partisanerie. Cette attitude est proprement scandaleuse quand on sait la gravité de la situation économique. Rappelons que 43% des chômeurs sont sans travail depuis plus de six mois, une situation exceptionnelle dans un marché du travail généralement très flexible. En outre, la situation de l'immobilier reste catastrophique, alors qu'un propriétaire sur quatre supporte une dette hypothécaire plus lourde que la valeur de sa maison.

Ainsi, il se peut que la planète plonge dans une deuxième récession parce que les gouvernants européens ne disposent pas d'institutions à la mesure de la crise tandis que les élus américains n'ont pas le sens du devoir qu'exigent les circonstances.

De la première crise comme de celle qui menace, États et individus devraient retenir que le meilleur moyen de se mettre à l'abri des soubresauts de la conjoncture, de la courte vue des politiciens et de la gloutonnerie des spéculateurs est de garder ses dettes à un niveau raisonnable.

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