La plupart des commentateurs ont d'abord réagi favorablement au jugement rendu jeudi par la Cour suprême du Canada, jugement décrétant qu'une grande partie de la loi fédérale sur la procréation assistée empiète sur la compétence des provinces en matière de santé. Toutefois, les heures passant, l'analyse de cet imposant jugement s'approfondissant, certains ont trouvé notre réaction «jovialiste». Interrogée par Le Devoir, la constitutionnaliste Eugénie Brouillet, de l'Université Laval, a souligné que trois articles de la loi validés par le tribunal pourraient entrer en conflit avec le Code civil, auquel cas la mesure fédérale prévaudrait. «La Cour suprême ampute le Code civil du Québec», a titré le quotidien, attirant ainsi l'attention des observateurs sur un aspect de la question qu'ils avaient négligé.

La plupart des commentateurs ont d'abord réagi favorablement au jugement rendu jeudi par la Cour suprême du Canada, jugement décrétant qu'une grande partie de la loi fédérale sur la procréation assistée empiète sur la compétence des provinces en matière de santé. Toutefois, les heures passant, l'analyse de cet imposant jugement s'approfondissant, certains ont trouvé notre réaction «jovialiste». Interrogée par Le Devoir, la constitutionnaliste Eugénie Brouillet, de l'Université Laval, a souligné que trois articles de la loi validés par le tribunal pourraient entrer en conflit avec le Code civil, auquel cas la mesure fédérale prévaudrait. «La Cour suprême ampute le Code civil du Québec», a titré le quotidien, attirant ainsi l'attention des observateurs sur un aspect de la question qu'ils avaient négligé.

À la lumière de ces développements, faut-il modifier notre opinion sur ce jugement du plus haut tribunal du pays? Non. Il est vrai que, tout en donnant raison aux provinces sur l'essentiel, la Cour suprême a confirmé le point de vue d'Ottawa quant à la validité des articles 8, 9 et 12 de la loi contestée. Les inquiétudes soulevées portent surtout sur ce dernier article qui permet de «rembourser les frais supportés» par une mère porteuse. Comme l'ont souligné quatre des cinq juges composant la majorité, ce libellé «autorise implicitement la conclusion d'un contrat de mère porteuse alors que ce type de relation contractuelle est déclarée nulle par le Code civil». En effet, selon l'article 541 du Code, toute entente «par laquelle une femme s'engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d'autrui est nulle de nullité absolue».

Il y a donc une contradiction apparente entre les deux lois. Cependant, si contradiction il y a, elle porte seulement sur un aspect particulier de la question - le remboursement de certaines dépenses engagées par la mère porteuse. Chose certaine, le Code civil n'est pas «amputé». Notamment, l'article 541 continue de remplir sa fonction principale, soit d'empêcher que les règles du Code régissant la filiation soient contournées par un contrat entre une mère porteuse et de futurs parents.

Qu'arriverait-il si une mère porteuse demandait aux tribunaux québécois de faire respecter une entente conclue avec des parents, entente portant sur le remboursement de ses dépenses? L'accord en question serait-il déclaré nul (en vertu du Code civil) ou valide (selon l'article 12 de la loi canadienne)? Le législateur fédéral a maintes fois exprimé son intention à cet égard. Par exemple, lors de l'étude du projet de loi en comité parlementaire, en 2002, un haut fonctionnaire du ministère de la Justice a été catégorique: «Au Québec, les contrats (entre une mère porteuse et des parents) continueront de ne pas être exécutoires. Aucune disposition du projet de loi n'y change quoi que ce soit.»

Cela étant, le gouvernement fédéral ne devrait pas avoir d'objection à amender sa loi afin de garantir la primauté du Code civil en cette matière. Ottawa devrait aussi convenir, comme le prévoit l'article 68 de sa loi, que ses règlements sur la procréation assistée ne s'appliquent pas au Québec, cette province disposant déjà de mesures équivalentes.

Hormis cette question pointue, notre point de vue sur le jugement de jeudi dernier demeure inchangé: il s'agit d'une victoire non pas tant pour les provinces que pour le fédéralisme.