Le premier ministre, Jean Charest, s'est indigné hier des propos tenus la veille par des députés du Parti québécois, dont un a accusé le Parti libéral de se faire «le complice d'une combine érigée en système». Selon M. Charest, en tenant de tels propos, les péquistes «minent les institutions» du Québec. Pourtant, si la réputation des institutions publiques est entachée aujourd'hui, c'est en raison de l'attentisme du premier ministre lui-même, de son refus entêté de mettre sur pied une commission d'enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction.

Le premier ministre, Jean Charest, s'est indigné hier des propos tenus la veille par des députés du Parti québécois, dont un a accusé le Parti libéral de se faire «le complice d'une combine érigée en système». Selon M. Charest, en tenant de tels propos, les péquistes «minent les institutions» du Québec. Pourtant, si la réputation des institutions publiques est entachée aujourd'hui, c'est en raison de l'attentisme du premier ministre lui-même, de son refus entêté de mettre sur pied une commission d'enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction.

Le mot «complice» est trop fort ; rien ne permet de croire que des élus libéraux ont «participé à une infraction commise par un autre» (la définition du dictionnaire). Cependant, en s'en tenant aux seules enquêtes de police, le gouvernement Charest empêche que soit exposée la totalité du système de perversion de l'économie légale mis en place par la mafia. Pour en savoir plus, la population doit s'en remettre au travail courageux et patient de quelques journalistes, en  particulier ceux de La Presse et de la Société Radio-Canada. Les faits révélés par nos collègues André Cédilot et André Noël (dans leur livre Mafia inc.) et par l'émission Enquête (notamment hier soir) montrent que la «pieuvre» a glissé ses tentacules profondément dans l'industrie de la construction. Par la violence, l'argent et le détournement de l'action syndicale, la mafia gère la collusion dans la distribution des contrats de travaux publics. Tout le Québec paie le prix de cette corruption généralisée.

L'envergure du système a été confirmée l'été dernier par un enquêteur de la Gendarmerie royale du Canada et, ces jours-ci, par le patron de l'opération Marteau, l'inspecteur Denis Morin, au cours d'une entrevue accordée à Enquête. «Notre renseignement tend à démontrer qu'il y a une certaine collusion entre certaines grandes entreprises de construction afin de se partager les contrats (...) On est portés à croire qu'il y a des liens entre ces entreprises-là et la mafia», a déclaré l'inspecteur Morin.

L'assassinat du patriarche de la mafia montréalaise, Nicolo Rizzuto, ne diminue en rien la pertinence d'une enquête publique. Si, comme l'écrivait hier André Noël, «le règne des Rizzuto est définitivement terminé», un autre clan s'apprête de toute évidence à lui succéder. Il relève de la responsabilité du premier ministre de faire tout en son pouvoir pour desserrer l'emprise du crime organisé sur notre société, entre autres en lançant enfin cette enquête que tous réclament.

L'attitude qu'adoptera M. Charest au cours des prochains jours nous dira s'il tient vraiment à préserver la crédibilité des institutions du Québec ou s'il pense avant tout aux intérêts de son parti et de certains de ceux qui l'appuient.