Plusieurs commentateurs ont cédé à la tentation d'interpréter les résultats de la Coupe du monde à la lumière de la conjoncture économique et politique. Ainsi, l'élimination rapide de la France et de l'Italie pouvait être le reflet de la crise financière fragilisant l'Union européenne, tandis que les succès des équipes sud-américaines étaient vus comme révélateurs de la montée des économies émergentes.

Voici que la «vieille Europe» retourne la situation à son avantage, de sorte qu'on trouvera trois équipes européennes sur les quatre participant aux demi-finales. Économistes et politologues sont bouche bée...

 

Cédons tout de même à notre tour à la tentation: la remarquable performance de l'équipe allemande n'illustre-t-elle pas le retour en force de l'Allemagne comme puissance économique, après les difficiles années post-réunification qu'elle a traversées?

Dans les stades sud-africains, en tout cas, les Allemands impressionnent autant les experts que les amateurs. En cinq parties, ils ont compté 13 buts, deux fois plus que leurs adversaires espagnols d'après-demain. Ils ont littéralement rossé les Anglais 4-1 et les puissants Argentins 4-0. On souligne la jeunesse de l'équipe allemande, de même que sa diversité ethnique. Dans l'alignement, on remarque notamment la présence du jeune milieu de terrain Mesut Ozil, issu de l'importante minorité d'origine turque du pays. L'équipe de foot est donc à l'image de l'Allemagne moderne: toujours disciplinée, mais aussi innovatrice et diverse. Ce n'est pas pour rien que ce pays est l'un de ceux qui a le mieux traversé la récession. À 7%, le chômage y est relativement bas. Contrairement à celle de la plupart des pays occidentaux, l'industrie manufacturière d'Allemagne a su résister à la concurrence des économies à faibles coûts de main-d'oeuvre, de sorte que le pays demeure la grande puissance exportatrice de la planète, surpassée seulement par la Chine.

Le Deutschland fait cependant face à des problèmes importants. En raison d'un taux de natalité très faible et d'une immigration chancelante, la population non seulement viellit, mais est en baisse. Selon le Bureau national de statistiques, l'Allemagne comptera en 2050 14 millions de moins d'habitants qu'aujourd'hui. La France sera alors plus peuplée que sa voisine.

Par ailleurs, la composition multiculturelle de l'équipe allemande de 2010 ne signifie pas que l'intégration des communautés immigrantes se fait facilement. La minorité turque, en particulier, reste particulièrement pauvre et peu scolarisée.

La performance de son équipe de foot peut certainement être vue comme une métaphore de la récente réussite de l'Allemagne. Toutefois, si les Allemands n'y prennent pas garde, ce pourrait être aussi une dangereuse illusion.