Il y a 10 ans, Alain Dubuc, alors éditorialiste en chef de La Presse, signait une remarquable série de textes sous le titre «Réinventer notre avenir». Dans le premier de ces textes, «Tourner la page», il écrivait: «Le Québec est dans un cul-de-sac, prisonnier d'un vieux débat politique amorcé il y a une quarantaine d'années et qui le paralyse certainement depuis vingt ans. (...) Il faut s'extraire de ce cercle vicieux. La seule façon d'y parvenir, c'est de rompre avec des réflexes collectifs qui ont mal vieilli.»

Une décennie plus tard, ce diagnostic est plus pertinent encore. On le constate dans les propos tenus en fin de semaine par la chef du Parti québécois, Pauline Marois, et par le ministre des Affaires intergouvernementales du gouvernement Charest, Claude Béchard. Ce dernier a parlé d'une éventuelle relance des discussions constitutionnelles, l'objectif étant notamment l'obtention par le gouvernement du Québec de nouveaux pouvoirs en matière de culture et de communications. Quant à Mme Marois, elle a annoncé samedi qu'un prochain gouvernement péquiste réclamerait d'Ottawa une série de nouvelles compétences dans des domaines comme la langue, l'environnement, le développement économique et l'immigration.

 

Cette idée voulant que le gouvernement du Québec ne dispose pas de suffisamment de pouvoirs est ancrée dans l'esprit d'un grand nombre de Québécois. C'est un de ces vieux réflexes évoqués par Alain Dubuc, réflexes hérités de la Révolution tranquille dont on célèbre ces jours-ci le cinquantenaire. L'évolution fulgurante du Québec francophone depuis ce temps, sans changements dans le partage constitutionnel des compétences, prouve que cette idée est dépassée, que les Québécois ont déjà en main tous les outils nécessaires pour continuer de progresser. M. Béchard parle de transférer des pouvoirs d'Ottawa vers Québec dans le domaine de la culture. Pourquoi un tel transfert serait-il nécessaire? Qu'est-ce qui empêche aujourd'hui le gouvernement du Québec de faire mieux pour soutenir les arts d'ici?

Les priorités d'un gouvernement péquiste identifiées par Mme Marois en fin de semaine relèvent toutes de compétences appartenant déjà à la province: débureaucratiser l'État, mieux intégrer les immigrants, combattre l'analphabétisme et le décrochage scolaire, améliorer les soins à domicile, atteindre l'indépendance énergétique... La solution à ces problèmes se trouve à Québec, pas à Ottawa.

Pendant que les deux principales formations politiques à l'Assemblée nationale commémorent la Révolution tranquille et l'échec de Meech, une bonne partie de la population est rendue ailleurs, plus loin. Entre ces Québécois et la classe politique coincée dans le passé, le fossé s'élargit. Se trouvera-t-il un parti pour représenter tous ceux qui, dans l'espoir de faire avancer le Québec, veulent tourner la page?