Après avoir admis que des «actes scandaleux et criminels» avaient été commis par certains de ses prêtres, l'Église de Benoît XVI est passée à l'attaque. Mercredi dernier, l'archevêque de Paris, le cardinal Vingt-Trois, a dénoncé «l'offensive qui vise à déstabiliser le pape et à travers lui l'Église» et les «opérations de propagande grossière». Dimanche, jour de Pâques, le doyen du collège des cardinaux, Angelo Sodano, a déclaré que le peuple de Dieu «ne se laisse pas impressionner par les jacasseries du moment».

Propagande? Jacasseries? Comment peut-on ainsi qualifier les informations surgissant de plusieurs pays révélant la fréquence des sévices sexuels commis contre des enfants et l'incapacité de l'Église de l'époque à y mettre un terme? Cette contre-attaque laisse penser que, bien qu'ayant reconnu la gravité des gestes commis, l'Église n'a pas compris combien cette affaire mine son autorité morale en Occident.

Il est vrai que chez les militants anticléricaux, on tend à faire de tous les prêtres des pédophiles. Il est exact aussi que le bilan de Benoît XVI en matière de sévices sexuels n'est pas aussi noir que ce qu'en dit la rumeur. Il est certain, enfin, que le nombre de prêtres impliqués est relativement petit. Cependant, ces nuances ne changent rien au fait que ces abus se sont produits en maints endroits et ont été tenus secrets, voire ont été tolérés par les autorités pendant des décennies. Les fautes sont encore plus révoltantes du fait qu'elles ont été commises au sein d'une institution cherchant à réprimer la sexualité de ses fidèles et prétendant à une posture morale supérieure.

Autrement dit, ces scandales ont fait éclater au grand jour l'hypocrisie de l'Église catholique du XXe siècle. Certains reportages et analyses ont-ils dépassé la mesure? Peut-être, mais n'eut été des enquêtes des médias, ces affaires de pédophilie seraient toujours à l'ombre au fond des coffres-forts des archevêchés.

«Toute institution qui subit une offensive soutenue des médias est tentée de se retrancher derrière une mentalité de forteresse; une telle attitude n'est jamais édifiante et ne règle rien», souligne l'hebdomadaire catholique américain The Tablet.

Au contraire, l'Église catholique aurait besoin d'ouvrir toutes grandes ses fenêtres pour laisser entrer l'air du monde moderne. En particulier, elle devrait écouter ce que lui disent ou voudraient lui dire ses très nombreux fidèles déçus. L'Église n'a pas besoin seulement d'un aggiornamento (adaptation) comme celui qu'elle a connu après le concile Vatican II (1962-1965), mais d'une réforme en profondeur. Malheureusement, leurs propos récents indiquent que Benoît XVI et ses cardinaux vont camper sur leurs positions, envers et contre toutes les «jacasseries». Quitte à accélérer ainsi le déclin du catholicisme en Occident.