À la faveur de la récente remontée des prix, le développement de l'industrie pétrolière reprend de plus belle en Alberta. Jeudi, le gouvernement provincial est revenu sur l'augmentation des royautés annoncée il y a deux ans, hausse qui s'était ajoutée à la récession pour plonger l'industrie dans le marasme.

Depuis quelques mois, plusieurs entreprises ont annoncé ou relancé des projets d'exploration et d'exploitation, notamment dans les sables bitumineux. Les sermons des écologistes auront peu d'effet. Ceux des élus québécois en mal de capital politique encore moins. Pourquoi?

- Parce que le pétrole et le gaz constituent 30% de l'économie albertaine. C'est l'importance qu'ont, au Québec, l'ensemble des industries productrices de biens (secteur manufacturier, agriculture, mines, forêts);

- parce que les Albertains n'acceptent pas plus que les Québécois de se faire dire quoi faire par le gouvernement fédéral ou par les autres provinces;

- parce que les Albertains ont appris, à la dure, que dans le domaine de l'énergie, les périodes de prospérité ne sont pas éternelles. Au pire de la récession qui a provoqué une chute vertigineuse des prix du pétrole et du gaz, l'Alberta comptait 85 000 chômeurs de plus (contre 70 000 au Québec). Autrement dit, les gens de l'Alberta sont convaincus qu'ils doivent profiter des vents favorables lorsqu'ils se lèvent, comme c'est le cas aujourd'hui. La Chine cherche des sources d'approvisionnement pour propulser sa croissance. Les États-Unis ont plus que jamais besoin du pétrole canadien;

- d'Alberta, les critiques venant des provinces centrales paraissent extraordinairement hypocrites. Il se vend 23 milliards de litres d'essence par année en Ontario et au Québec. Et ces millions d'automobilistes osent dénoncer la production de pétrole?

Contrairement à ce qu'on entend dire ici, les Albertains ne se moquent pas de l'environnement. Selon un sondage récent, 51% d'entre eux soutenaient que l'environnement devait demeurer une priorité malgré la récession et 52% souhaitaient que la conférence de Copenhague produise un accord contraignant comme le Protocole de Kyoto.

Le gouvernement albertain et l'industrie ont mis en place des mesures pour réduire les impacts écologiques des sables bitumineux. Ce n'est pas assez, pas assez vite. Mais ce n'est pas rien.

Du Québec, nous pouvons continuer à cracher sur le pétrole albertain tout en nous enorgueillissant de notre supposée vertu verte. Cette hypocrisie ne fera qu'accroître la colère des gens de l'Alberta à notre endroit; l'impact sur l'exploitation des sables bitumineux sera nul.

Une autre avenue consisterait à amorcer, à tous les niveaux, un dialogue avec nos concitoyens albertains. À s'intéresser à ce qui se passe là-bas, à chercher à comprendre. Bref, à faire ce que nous ne cessons de réclamer des autres Canadiens à notre égard.

apratte@lapresse.ca