Les Jeux olympiques de Vancouver auraient dû être une occasion pour tous les Canadiens d'encourager d'une même voix leurs athlètes. Malheureusement, par la faute des organisateurs, la cérémonie d'ouverture a provoqué une controverse linguistico-politique qu'aucune médaille ne fera oublier.

«L'esprit et l'âme de chacun des 33 millions de Canadiens ont tissé l'étoffe de ces Jeux olympiques d'hiver», a déclaré vendredi soir le président du comité organisateur (COVAN), John Furlong. Non. Il manquait l'âme des francophones de ce pays.

 

Malgré les affirmations contraires du COVAN au cours des mois, on n'a jamais senti une volonté forte de la part des organisateurs d'accorder au français la place qui devrait être naturellement la sienne. Il a fallu que le comité soit harcelé par le Commissaire aux langues officielles pour que des efforts supplémentaires soient faits.

Des efforts importants ont bel et bien été consentis: des francophones ont été embauchés au sein du comité organisateur, des bénévoles bilingues ont été recrutés, une Place de la francophonie a été créée et accueillera des artistes de langue française pendant toute la durée des Jeux. Tout cela est bien; il faut reconnaître qu'il n'était pas facile de tenir des jeux bilingues dans une ville où il y a 15 fois plus de personnes d'origine chinoise que de francophones.

Toutefois, la cérémonie d'ouverture était, de loin, l'événement culturel le plus important des Jeux. C'est celui qu'allaient voir des centaines de millions de personnes dans le monde, «notre plus grande chance de raconter à l'échelle planétaire l'histoire d'un Canada contemporain qui inspirera le monde entier», selon M. Furlong. On en conclut que dans le Canada du comité organisateur des jeux, le français occupe la place d'une chanson. Triste. Inadmissible. Peu importe les ajustements qui seront apportés pour la cérémonie de clôture, le mal aura été fait.

Les explications données par le COVAN ne tiennent pas debout. Des artistes francophones auraient décliné l'invitation qui leur était faite; on ne nous fera quand même pas croire qu'outre Garou, il n'y avait aucun artiste francophone de talent disponible le 12 février 2010!

Les indépendantistes québécois se frottent les mains. Quant aux autres francophones du Québec et à ceux qui habitent ailleurs au pays, l'attitude du COVAN leur rappelle que la lutte pour la reconnaissance de leurs droits ne prendra jamais fin. Que le rêve canadien n'est pas un acquis, mais un projet, toujours en construction.

Ces Canadiens francophones baisseront-ils les bras? Non. Parce qu'ils sont convaincus que nous sommes plus riches comme personnes et comme société quand Alexandre Bilodeau et Jennifer Heil font partie de la même équipe. Quand au-delà des différences de langue, de géographie, de religion et de situation sociale, nous célébrons côte à côte leurs exploits.

apratte@lapresse.ca