Depuis des années, Toyota jouit d'une réputation exceptionnelle pour la qualité des véhicules qu'elle produit. Le mois dernier, le magazine américain Consumer Reports annonçait que dans son sondage annuel sur la perception des marques d'automobile, Toyota trônait toujours au sommet, loin devant ses concurrents. Depuis deux semaines toutefois, la longue lune de miel entre le géant japonais et les consommateurs s'est transformée en cauchemar.

À la suite du rappel de plus de deux millions de véhicules aux États-Unis et au Canada et de l'interruption de la vente de plusieurs modèles, le cours des actions de l'entreprise a chuté. En janvier, ses ventes ont diminué de 16% aux États-Unis et de 10% au Canada, par rapport au même mois en 2009. Hier, une autre mauvaise nouvelle est tombée: le ministère japonais des Transports a demandé à Toyota d'enquêter sur des plaintes de propriétaires de la populaire hybride Prius. Selon ces automobilistes, le système de freinage de leur automobile a momentanément cessé de fonctionner à basse vitesse, ce qui aurait provoqué quelques accidents. Des plaintes similaires ont été reçues aux États-Unis.

 

Les dommages causés par toute cette affaire, déjà considérables du point de vue financier, pourraient être circonscrits si Toyota gère bien la crise. Cependant, avec chaque jour qui passe, il devient de moins en moins certain qu'elle y parviendra. En effet, des informations circulent selon lesquelles l'entreprise a attendu plusieurs mois avant de s'attaquer de front aux défaillances de la pédale d'accélération de plusieurs de ses modèles.

Lorsque les premiers accidents se sont produits aux États-Unis, certains mortels, le fabricant a soutenu que la pédale était restée coincée en raison d'un tapis de protection mal installé. L'entreprise a ensuite convenu qu'il lui fallait remplacer les tapis de centaines de milliers de ses voitures. Il y a quelques jours, elle a admis que la pédale elle-même faisait problème, d'où le plus récent rappel.

La championne de la qualité, célèbre pour la «méthode Toyota», en serait-elle venue à délaisser l'élément essentiel de sa réputation? Il est trop tôt pour répondre à cette question. Depuis quelques années, même chez Toyota, certains exprimaient des inquiétudes quant à la capacité de l'entreprise de préserver sa culture tout en construisant un nombre croissant de véhicules hors du Japon. D'autres ont accusé l'entreprise d'être obsédée par son désir de devenir le plus gros vendeur du monde - elle y est parvenue en 2008 - au point d'être devenue négligente.

Personne n'a intérêt à ce que Toyota sombre alors que le monde sort difficilement de la récession. Souhaitons que l'entreprise saura faire face à la crise avec diligence et transparence. Toyota devra aussi comprendre, comme ont fini par le faire ses rivaux américains, que la qualité doit être autre chose qu'un slogan publicitaire.

apratte@lapresse.ca