À la fin de 2009, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, a dénoncé la «vision cata-strophiste» des finances publiques projetée par le gouvernement de Jean Charest. Selon Mme Carbonneau, le but de cette tactique est de faire accepter par la population des «compressions massives» dans les services publics.

Y a-t-il, oui ou non, catastrophe à l'horizon? Quant à nous, c'est l'évidence même. Comme l'ont documenté récemment quatre économistes chevronnés, le gouvernement du Québec offre des services plus étendus, perçoit plus d'impôts et supporte une dette plus lourde que les autres provinces. D'autres économistes contestent ce diagnostic, notant que plusieurs pays traînent une dette publique plus imposante, relativement à la taille de leur économie, que le Québec.

 

On pourrait faire un long débat technique à ce sujet, mais on passerait à côté du vrai problème. La question n'est pas de savoir si Québec est plus ou moins endetté que les autres, mais si le service de cette dette nuira à sa capacité de payer pour les services essentiels à la population dans les années à venir.

À l'heure où les taux d'intérêt sont particulièrement bas, le gouvernement du Québec paie déjà 6,1 milliards par année en intérêts. Dans 4 ans, cette somme atteindra 9,8 milliards. C'est-à-dire que Québec dépensera 3,7 milliards de plus pour payer des intérêts, 3,7 milliards qui ne seront pas disponibles pour améliorer les soins de santé et l'enseignement dans les écoles.

Plus Québec tardera à rétablir l'équilibre des finances publiques, plus le service de la dette grugera sa marge de manoeuvre. Or, durant la même période, ses dépenses de santé exploseront. À ce sujet, la Société Alzheimer du Canada publiait hier une nouvelle étude sur l'impact économique de l'augmentation du nombre de personnes atteintes de démence. L'étude, réalisée par une firme spécialisée, prévoit que le nombre de Canadiens souffrant de démence, notamment de la maladie d'Alzheimer, passera de 480 000 personnes actuellement à 1,1 million de personnes dans 30 ans. Les dépenses de santé consacrées aux soins à ces personnes passeront de 8 milliards à 92 milliards.

Si on rapporte ces chiffres à la part du Québec dans la population canadienne, on constate que d'ici 2018, les dépenses consacrées par le gouvernement provincial aux personnes atteintes de démence passeront de 1,8 milliard à 4,4 milliards. Cette méthode est évidemment rudimentaire, mais une chose est sûre, les soins aux personnes en perte d'autonomie coûteront bientôt beaucoup plus cher. Où trouverons-nous cet argent, si en plus des contraintes habituelles, une part croissante des revenus de l'État est consacrée au service de la dette? La catastrophe appréhendée, elle est là, dans la structure d'âge de la population et dans l'état actuel des finances publiques. À moins que la CSN ne découvre un vaccin contre l'alzheimer, le Québec n'y échappera pas. En avertir la population, prendre les mesures nécessaires, ce n'est pas s'attaquer aux services publics, mais, au contraire, agir pour les préserver autant que faire se peut.

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