Le gouvernement Charest vient de publier la première étude préparée par quatre économistes réputés sur l'état des finances publiques.* La conclusion de cette étude n'est pas nouvelle: le Québec vit au-dessus de ses moyens. La démonstration est solidement étayée, mais plusieurs l'ont déjà balayée du revers de la main.

Le jour même de la publication du document, Camil Bouchard, en annonçant sa démission comme député, émettait le voeu que le gouvernement québécois augmente substantiellement ses dépenses, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation. Quelques jours plus tôt, la CSN préconisait une hausse des impôts afin de financer «un niveau plus élevé de services publics et de programmes sociaux accessibles et de qualité».

 

Chaque fois que retentit un signal d'alarme au sujet des finances publiques, les Québécois font la sourde oreille. Les leaders sociaux-démocrates, eux, y voient une tentative de saper le rôle de l'État. Ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. Au contraire, il s'agit de s'assurer que le gouvernement du Québec continuera d'avoir les moyens d'assurer les services publics souhaités par les Québécois. Or, l'étude des économistes Fortin, Gagné, Godbout et Montmarquette montre bien qu'«on arrive à la limite des choix effectués pour satisfaire la population».

Selon eux, si le gouvernement du Québec offrait les mêmes services publics que celui de l'Ontario (qui n'est tout de même pas le Texas...), il économiserait 17,5 milliards par année. Le Québec dépense donc beaucoup plus que les autres provinces. C'est un choix de société qui se défendrait si nous étions plus riches que nos voisins. Toutefois, ce n'est pas le cas. Les Québécois doivent donc financer ces imposantes dépenses publiques par des impôts plus élevés; c'est pourquoi le fardeau fiscal est plus lourd ici qu'ailleurs au pays et aux États-Unis. Quoi qu'en pense la CSN, il serait difficile d'augmenter sensiblement les impôts sans que cela ait un effet néfaste sur la compétitivité de la province.

Comme la fiscalité ne suffit pas à payer tous les services dont nous jouissons, le gouvernement doit s'endetter. Or, l'État québécois est déjà beaucoup plus endetté que les gouvernements des autres provinces: 50% du PIB contre 24% du PIB dans le reste du pays. Même si les taux d'intérêt sont actuellement très bas, financer cette dette coûte cette année 6,1 milliards, autant d'argent qui n'est pas disponible pour payer les services publics. Et cette somme déjà colossale passera à 9,8 milliards d'ici quatre ans.

Les Québécois et leurs leaders politiques semblent ne rien avoir appris de la crise des finances publiques du milieu des années 1990. C'est malheureux. Car la crise qui nous attend fera encore plus mal.

* Deux d'entre eux étaient signataires, avec l'auteur de ces lignes, du manifeste Pour un Québec lucide, publié en 2005.

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