Le premier ministre Stephen Harper et le chef libéral Michael Ignatieff se sont tous les deux engagés à rétablir l'équilibre budgétaire à Ottawa sans augmenter les impôts et sans diminuer les paiements de transfert versés aux provinces. À la veille d'une probable campagne électorale, les conservateurs et les libéraux ont l'obligation politique et morale d'expliquer aux Canadiens comment ils comptent s'y prendre pour passer d'un déficit de 50 milliards cette année au déficit zéro. Il s'agit en effet d'un des principaux problèmes auxquels devra faire face le prochain gouvernement du pays. Les électeurs ont le droit de savoir, au moment de faire leur choix, ce que proposent les différentes formations.

Rappelons que dans son budget de janvier dernier, le ministre des Finances, Jim Flaherty, avait prévu un déficit de 33,7 milliards en 2009-2010 et un retour à l'équilibre en 2013-2014. Il a fait savoir quelques mois plus tard que le déficit de cette année serait plutôt de 50 milliards. Le trou étant plus profond, il sera évidemment plus ardu d'en sortir. Selon le Directeur parlementaire du budget, Kevin Page, le fédéral sera toujours 17 milliards dans le rouge en 2013-2014. Comparé aux déficits des années 1980 et 1990, celui-ci sera relativement modeste (1% du PIB contre 5% à l'époque). Néanmoins, comme l'a souligné M. Page, si Ottawa ne s'impose pas un plan chiffré de retour au déficit zéro, il risque d'être entraîné dans un cercle vicieux similaire à celui qui l'a mené au bord du gouffre il y a 20 ans.

Les plates-formes des partis devront comprendre un tel plan, sinon on sera forcé de conclure à leur manque de sérieux. Est-il possible de revenir à l'équilibre sans augmenter la charge fiscale? Sans doute, mais il faudra alors limiter la croissance des dépenses. Est-il faisable de faire cela sans comprimer les transferts aux provinces, transferts qui représentent près du quart des dépenses de programme?

Au milieu des années 1990, le gouvernement Chrétien avait sabré dans ces transferts, avec les conséquences que l'on sait sur les réseaux de santé et d'éducation. Si libéraux et conservateurs s'engagent à ne pas toucher aux versements faits aux provinces, ils devront dire quels programmes fédéraux subiront le couperet.

Ajoutons ceci: les électeurs devront être extrêmement sceptiques à l'égard de toute promesse électorale entraînant de nouvelles dépenses. Comme les coffres du gouvernement sont vides, ou bien le parti élu ne respectera pas ses promesses, ou bien il les respectera et aggravera la situation des finances publiques.

Pour la même raison, Stephen Harper a raison de ne pas négocier avec le NPD dans l'espoir d'éviter la chute de son gouvernement. M. Harper n'a sans doute en tête que des considérations stratégiques. Mais au-delà de la tactique, toute négociation de ce genre impliquerait d'importantes sommes - on l'a vu lorsque M. Layton a négocié pour sauver Paul Martin de la défaite - sommes que les contribuables canadiens n'ont tout simplement pas les moyens de payer.