Des voix s'élèvent en faveur d'une intervention gouvernementale pour bloquer la vente des actifs sans-fil de Nortel à la multinationale suédoise Ericsson. Ottawa doit faire la sourde oreille aux chants des sirènes nationalistes.

Au cours des dernières semaines, la vente-débarras de Nortel s'est déroulée dans l'indifférence la plus totale. Il a fallu que Research in Motion (fabricant du BlackBerry) lance un pavé dans la mare pour que, brusquement, le sort des morceaux de Nortel devienne une question de vie ou de mort nationale.

 

Les actifs sans-fil de Nortel ont été mis aux enchères par les tribunaux supervisant la faillite de l'entreprise. Trois investisseurs étrangers ont participé au processus; Ericsson est sortie gagnante grâce à une mise de 1,1 milliard US. RIM a refusé de se plier à certaines des conditions des enchères et, plutôt que de les contester devant les tribunaux, a décidé de porter sa cause devant l'opinion publique en faisant vibrer la corde nationaliste. Demandant au gouvernement d'examiner soigneusement la transaction, RIM soutient que ces précieux actifs, qui comprennent des centaines de brevets, devraient rester entre des mains canadiennes (c.-à-d. les siennes).

Ericsson n'est pas un prédateur. Établie au Canada depuis plus de 50 ans, elle y est un des plus importants investisseurs en R&D grâce aux activités de son centre de recherche de Montréal (600 employés). Bien qu'une rationalisation est à prévoir, il est certain qu'Ericsson ne se sauvera pas du pays avec les actifs de Nortel dans une valise à double fond. Il est aussi plus que probable qu'elle les gérera mieux que les fiers Canadiens ayant provoqué le gâchis que l'on sait.

Le gouvernement fédéral enverrait un bien mauvais message aux investisseurs étrangers s'il rejetait la proposition d'Ericsson, faite dans le respect des règles, pour ouvrir la voie à l'offre d'une entreprise canadienne qui n'a pas voulu jouer le jeu. Une telle décision découragerait l'investissement étranger dont profite grandement le Canada et susciterait des représailles à l'endroit des compagnies canadiennes souhaitant étendre leurs activités ailleurs sur la planète.

Le gouvernement Harper doit bien sûr se pencher sur la transaction Nortel-Ericsson, comme le lui commande la Loi sur Investissement Canada. En vertu de cette loi, Ottawa a bloqué l'an dernier la vente de la division spatiale de MacDonald Dettwiler and Associates, fabricant du satellite Radarsat II et du Canadarm, à l'américaine Alliant Techsystems. Cependant, il n'y a pas de commune mesure entre les deux transactions. Contrairement à Ericsson, Alliant n'est pas présente au Canada. Contrairement aux actifs sans-fil de Nortel, la division spatiale de MDA a une valeur stratégique irremplaçable pour le Canada. Enfin, MDA est une entreprise florissante, ce qui n'est évidemment pas le cas de Nortel.

Certes, comme le soutient le patron de RIM, Jim Balsillie, il faut une «solution canadienne» à la vente des actifs sans-fil de Nortel. Or, cette solution canadienne, c'est-à-dire la solution la plus conforme aux intérêts du Canada, c'est la vente de ces actifs à Ericsson.