Des incidents troublants forcent à s'interroger sur la franchise de certains membres et dirigeants des forces de l'ordre fédérales.

Fin mai, le juge Simon Noël, de la Cour fédérale, a sermonné le Service canadien du renseignement de sécurité pour avoir omis de l'informer qu'une des sources impliquant dans des activités terroristes le réfugié Mohamed Harkat avait échoué à un test de polygraphe. M. Harkat est en libération surveillée en vertu d'un certificat de sécurité. La validité de ce certificat est périodiquement révisée par le tribunal. Bien que la Cour ait à plusieurs reprises interrogé des agents fédéraux au sujet de la fiabilité de la source en question, jamais ceux-ci n'ont fait mention du fait que certaines de ses réponses avaient été jugées «mensongères» par le SCRS lui-même.

Dans le même dossier, il y a quelques jours, la Cour fédérale a jugé illégale une perquisition menée par l'Agence des services frontaliers du Canada chez M. Harkat. La perquisition a duré six heures et a été faite par 16 agents accompagnés de trois chiens. De dire le juge Noël, «M. Harkat doit s'attendre à une diminution du respect de sa vie privée, mais cela ne donne pas le droit à un pays de se donner carte blanche et de lui enlever de façon déraisonnable ce qu'il lui reste de sa vie privée.»

 

Pendant ce temps la commission d'enquête sur la mort de Robert Dziekanski, survenue à l'aéroport de Vancouver en octobre 2007, a dû suspendre ses travaux après avoir pris connaissance d'un courriel jusqu'ici inconnu. Dans ce courriel, un officier de la GRC informe un collègue que les agents impliqués dans l'incident avaient discuté, en route vers l'aéroport, de l'usage possible du pistolet électrique Taser. Or, devant la commission, les agents ont prétendu qu'ils avaient seulement décidé sur place, devant le comportement de M. Dziekanski, d'avoir recours au Taser.

Le courriel en question a été remis au commissaire Thomas Braidwood alors que les audiences tiraient à leur fin, six mois après leur ouverture. En conséquence, le commissaire devra faire revenir à la barre les agents et les officiers de la GRC impliqués.

S'agit-il, dans chacun de ces cas, d'une erreur commise de bonne foi? Peut-être. On ne peut toutefois pas exclure qu'il s'agisse plutôt d'abus de pouvoir ou de manoeuvres visant à cacher la vérité. «Tous les Canadiens, peu importe leur situation financière, leur poste ou leur influence, doivent respecter et se soumettre à la règle de droit. Les personnes en autorité au sein du gouvernement, dont les faits et gestes ont un impact sur les droits et les libertés des Canadiens, doivent répondre du moindre écart à l'égard de ce principe», a écrit le juge Noël.

Un commentaire qui rappelle la conclusion du rapport de la commission d'enquête sur des activités illégales de la GRC (la commission McDonald), publié il y a près de 30 ans: «Nous nous sommes refusés à tout compromis au sujet de l'obéissance que doivent à la loi les membres de notre corps policier national et de notre service de renseignements pour la sécurité. L'observation de la régle de droit est inséparable des aspirations de l'homme vers la liberté et la sécurité, car sans la règle de droit, la liberté et la sécurité sont inaccessibles.»

Il est consternant qu'il faille encore le rappeler à certains membres des corps policiers.