Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a franchi un pas de plus hier vers la mise en place d'une commission nationale des valeurs mobilières. Le ministre a annoncé la création d'un Bureau de transition qui aura un an pour préparer un plan de passage des régimes provinciaux actuels au nouveau système de réglementation pancanadien.

Des quatre provinces jouant un rôle important dans ce domaine, deux sont toujours opposées au transfert du commerce des valeurs mobilières sous l'aile fédérale, le Québec et l'Alberta. L'Ontario est depuis toujours le principal partisan de cette approche, tandis que la Colombie-Britannique s'y est récemment convertie. Il est d'ailleurs consternant de retrouver Doug Hyndman à la tête du Bureau de transition. Comme président de la British Columbia Securities Commission, M. Hyndman combat depuis 20 ans les velléités centralisatrices d'Ottawa dans ce secteur.Aussitôt terminée la conférence de presse de M. Flaherty, le député péquiste Jean-Martin Aussant a publié un communiqué de presse pour dénoncer «un autre manque de respect à l'endroit du Québec». On se demande où il y a «manque de respect». Le ministre Christian Paradis a répété hier que les provinces seront libres de participer ou non au nouveau système.

Québec pourra donc garder son Autorité des marchés financiers, ce qui est dans l'intérêt des émetteurs et des investisseurs québécois. S'il existe une volonté forte dans le reste du pays en faveur d'une commission nationale, pourquoi le gouvernement canadien devrait-il en faire fi? L'important, c'est qu'il n'impose pas cette approche aux provinces récalcitrantes. Le Québec aura, dans ce domaine comme dans bien d'autres, le statut particulier qu'il désire.

À cet égard toutefois, la garantie donnée par M. Paradis ne suffit pas. Ottawa doit aussi assurer qu'il ne permettra pas aux émetteurs et aux courtiers de court-circuiter leur commission provinciale pour se soumettre plutôt à la loi nationale. Cette possibilité, évoquée l'an dernier par le comité Hockin, aurait pour effet de miner lentement mais sûrement l'autorité et la portée des organismes provinciaux. Au bureau de M. Flaherty hier, on a remis cette patate chaude entre les mains du Bureau de transition. S'il est fidèle aux idées qu'il a défendues dans le passé, M. Hyndman rejettera du revers de la main une approche aussi sournoise.

Les gouvernements du Québec et de l'Alberta vont probablement contester devant les tribunaux le droit du fédéral de réglementer les valeurs mobilières. Cette avenue n'est pas exempte de risques. La voie judiciaire prendra surtout beaucoup de temps. D'ici au jugement final, le Québec devrait travailler de près avec le groupe de M. Hyndman. Il s'agit de faire en sorte que, si la compétence fédérale est confirmée, on aura mis en place un mécanisme efficace de collaboration entre l'AMF et le nouvel organisme national.

Quant au reste, c'est en s'acquittant de ses responsabilités de manière irréprochable que l'AMF protégera le plus efficacement sa crédibilité et sa pertinence dans le domaine des valeurs mobilières.