La ministre fédérale des Ressources naturelles, Lisa Raitt, a fait hier ce qu'elle aurait dû faire la veille: elle s'est excusée pour avoir qualifié de «sexy» le problème d'approvisionnement en isotopes médicaux. Le commentaire a beau avoir été fait en privé et enregistré à son insu, il n'en était pas moins choquant, surtout pour les centaines de personnes dont les tests d'imagerie médicale seront reportés à cause de la pénurie provoquée par la panne du réacteur nucléaire de Chalk River.

Cela dit, les politiciens qui dénoncent le commentaire de Mme Raitt font preuve d'une hypocrisie éhontée. Lequel d'entre eux ne s'est pas déjà réjoui d'une mauvaise nouvelle qui allait embarrasser ses adversaires?

Les politiciens jouent sur deux terrains à la fois, celui de l'intérêt public et celui de l'intérêt partisan, et passent constamment de l'un à l'autre. Sur le terrain partisan, il est permis, il est même exigé de faire flèche de tout bois. C'est ainsi que la ministre peut à la fois être sensible au calvaire vécu par les personnes atteintes de cancer - la maladie a tué son père et son frère - et se frotter les mains en pensant à l'avantage politique qu'elle pourrait retirer de sa gestion de la crise.

Les partis de l'opposition n'allaient pas rater l'occasion d'exploiter l'affaire en mettant la pénurie sur le compte de la négligence du gouvernement Harper. Or, les choses sont loin d'être aussi simples. Si le réacteur nucléaire de Chalk River n'a pas été remplacé par une installation moderne, c'est que les réacteurs MAPLE construits par Énergie Atomique du Canada (EACL) n'ont jamais été mis en marche en raison d'irréparables défauts techniques. Le problème est tout simplement devenu, à court terme, insoluble.

D'autant plus que ce problème n'est pas canadien, mais mondial, comme l'ont souligné l'Agence internationale de l'énergie atomique et l'OCDE. La planète peut compter sur seulement six réacteurs pour la production d'isotopes médicaux, tous construits il y a plus de 40 ans et donc tous sujets à des pannes et à de longues périodes d'entretien.

La construction de nouvelles installations s'impose, mais comme chacun sait, bâtir un réacteur atomique nécessite plusieurs années d'études, de consultations et de travaux. Selon les spécialistes, on ne peut espérer la contribution de nouvelles sources de production avant cinq à 10 ans.

Les partis de l'opposition sont particulièrement mal placés pour dénoncer le gouvernement actuel. Les libéraux parce que c'est sous leur règne qu'ont été prises les décisions menant au fiasco des MAPLE. La vérificatrice générale, Sheila Fraser, a d'ailleurs souligné que les problèmes d'Énergie atomique du Canada «datent de longtemps».

Pour ce qui est du NPD et du Bloc québécois, ils se sont toujours farouchement opposés au développement de la filière nucléaire au Canada. Or, pas de filière nucléaire, pas de production d'isotopes.

Malheureusement, toutes ces subtilités qu'on appelle... les faits n'ont pas leur place sur le terrain partisan où règnent le simplisme et la démagogie. Si en janvier le dossier des isotopes paraissait «sexy» aux yeux de Mme Raitt, c'est pour l'opposition qu'il l'est devenu aujourd'hui. Et tant pis pour l'intérêt public.