Un juge de la Cour supérieure entend cette semaine des parents de Drummondville qui veulent voir leurs enfants exemptés du nouveau cours d'éthique et de culture religieuse. Très sensibles à la démarche de ces parents parce qu'elle relève de la protection de la liberté de conscience et de religion d'une minorité, nous estimons néanmoins que le tribunal devrait rejeter leur requête.

Le cours d'éthique et de culture religieuse remplace depuis l'automne dernier les cours de religion et de morale. La formation vise notamment à sensibiliser les élèves à l'existence de différentes religions et à leur inculquer le respect de ces fois diverses.

 

Des demandes d'exemption ont été déposées pour quelque 1700 enfants, une infime minorité des 960 000 jeunes inscrits dans les écoles primaires et secondaires de la province. Ces demandes ont toutes été refusées.

La substitution des cours de religion et de morale par un cours de culture religieuse est conforme au consensus qui s'est développé au sein de la société québécoise. Le fait que les parents mécontents soient peu nombreux ne diminue toutefois en rien la légitimité de leurs préoccupations. Les chartes existent pour préserver les droits fondamentaux des citoyens, peu importe leur nombre.

À Drummondville, les parents demandent au tribunal de déclarer insconstitutionnel le rejet de leur demande d'exemption. Selon eux, le nouveau cours viole leur liberté de conscience et de religion parce qu'il impose aux élèves une vision polythéiste du phénomène religieux, est relativiste, dissocie l'éthique et la morale et interfère avec leur capacité de transmettre leur foi à leurs enfants.

Comment un cours neutre du point de vue religieux peut-il violer la liberté religieuse de quelqu'un? Justement parce que, selon ces parents, toutes les religions ne sont pas égales. Lorsque l'école prétend que la morale peut être envisagée sans référence à la foi, lorsqu'elle affirme que toutes les croyances sont équivalentes, elle impose une sorte de «religion civile», de dire le théologien Louis O'Neill, témoin-expert pour les requérants, qui parle d'«endoctrinement».

Endoctrinement? Si l'éthique et la culture religieuse sont correctement enseignées (c'est bien sûr un gros si...), le cours favorisera plutôt le respect de toutes les religions. Un enfant dont les parents sont profondément catholiques ne devrait pas s'y sentir ostracisé. Il est vrai que l'élève se familiarisera avec d'autres fois et systèmes de valeurs, mais on ne voit pas comment il pourrait en souffrir. Cela créera au contraire de merveilleuses occasions de dialogue avec ses parents, dialogue dont sa foi, si elle doit être authentique, sortira renforcée.

Le nouveau cours impose-t-il une contrainte aux libertés fondamentales des parents québécois? En autant qu'elle existe, cette contrainte est «négligeable», suivant les normes fixées par la Cour suprême. Elle est d'autant plus tolérable qu'elle sert une fin sociale légitime. Si l'État était tenu d'exempter d'un cours tout jeune qui s'y oppose pour des raisons de religion ou de conscience, le nombre de demandes d'exemption se multiplierait. Telle école catholique voudrait se soustraire à l'obligation d'offrir le cours d'éthique et de culture religieuse, tel parent créationniste voudrait retirer son fils ou sa fille du cours de biologie. Il deviendrait de plus en plus difficile au système d'éducation de donner aux futurs citoyens du Québec un socle culturel commun.

Des déclarations et écrits des parents regroupés au sein de la Coalition pour la liberté en éducation, il apparaît que les demandes d'exemption ne sont qu'une première étape vers le rétablissement des cours de religion dans les écoles. Cette volonté ressort aussi de l'expertise produite par le philosophe français David Mascré, lui-aussi témoin- expert pour les requérants. M. Mascré s'appuie notamment sur l'encyclique écrite par Léon XIII en 1893 (!) au sujet des écoles catholiques du Manitoba: «Il faut fuir à tout prix, comme très funestes, les écoles où toutes les croyances sont accueillies indifféremment et traitées de pair, comme si, pour ce qui regarde Dieu et les écoles divines, il importait peu d'avoir ou non de saines doctrines, d'adopter la vérité ou l'erreur.»

Depuis la publication de ce document, 116 ans ont passé. Les membres d'une confession religieuse peuvent certes être convaincus qu'il existe en ces matières une seule et unique vérité; l'État moderne ne peut endosser une telle perspective. Au contraire, il doit laisser à chacun le choix de sa vérité spirituelle, dans le respect de celle des autres. C'est ce que vise le cours d'éthique et de culture religieuse.

apratte@lapresse.ca