Au lendemain de sa confirmation comme chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff a enfourché un nouveau cheval de bataille. M. Ignatieff exige qu'on élargisse l'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi. Cette réforme est «urgente», affirme le chef libéral, laissant entendre que si le gouvernement Harper rejette sa suggestion, il pourrait y avoir des élections dès cet été.

Bien des observateurs s'entendent pour dire que l'assurance-emploi n'est pas assez généreuse et qu'à mesure qu'augmente le nombre de chômeurs, cette situation devient intolérable. Soit. Mais quels changements devrait-on apporter en priorité? Quel impact auraient ces changements sur la viabilité financière du régime et donc sur le niveau futur des primes?

L'assurance-emploi est un programme éminemment complexe. Avant d'y apporter toute réforme substantielle, il faut prendre le temps de bien en étudier les tenants et aboutissants.

Le Parti libéral demande que le nombre d'heures de travail requis pour avoir droit à l'assurance-emploi soit abaissé et uniformisé à 360 heures. À l'heure actuelle, ce seuil varie de 420 heures à 700 heures selon le taux de chômage sévissant dans la région où réside le travailleur. Le changement mis de l'avant par les libéraux coûterait 1 milliard.

Vaut-il mieux faire cela ou éliminer le délai de carence de deux semaines? Ou augmenter le niveau des prestations? Ou encore allonger la période pendant laquelle on peut recevoir des prestations, comme les conservateurs viennent de le faire? On ne sait pas trop pourquoi les libéraux préfèrent les 360 heures aux autres avenues de réforme sinon que d'un point de vue politique, la proposition a l'avantage d'être à la fois simple et séduisante.

Curieusement, le système d'assurance-emploi que Michael Ignatieff dénonce aujourd'hui a été mis en place par des gouvernements libéraux. C'est depuis 1977, alors que Pierre Trudeau était au pouvoir, que le nombre d'heures (autrefois, de semaines) exigé varie selon le taux de chômage régional. C'est le gouvernement de Jean Chrétien qui a procédé à la doloureuse réforme de 1996. Par conséquent, si le régime est «en crise» comme le soutient M. Ignatieff, on ne peut certainement pas en rendre les conservateurs responsables.

Les libéraux proposent que l'abaissement du seuil d'admissibilité soit une mesure temporaire. Temporaire jusqu'à quand ? Dans une étude sur le sujet publiée la semaine dernière, les économistes de la Banque TD soulignent à juste titre que «quand il s'agit de mettre un terme à un programme temporaire, les gouvernements canadiens ont un piètre bilan».

Sachant la virulence de l'opposition suscitée par toute compression dans l'assurance-emploi, on se demande quel gouvernement aura le courage, une fois la récession passée, de rehausser le nombre d'heures exigé.

On a beaucoup reproché au nouveau chef libéral d'exprimer seulement des généralités. La réforme temporaire de l'assurance-emploi est la première mesure concrète que M. Ignatieff met de l'avant.

Mauvais départ: il s'agit d'une proposition téméraire et irréfléchie. La plateforme électorale que le PLC promet pour juin devra être beaucoup mieux ficelée.