Le ministre du Commerce international, Stockwell Day, est en visite officielle en Chine. À l'entendre vanter l'importance des relations entre le Canada et l'empire du Milieu, on constate que le gouvernement conservateur a complété dans ce dossier un virage à 180 degrés.

Le courant réformiste du Parti conservateur, dont sont issus M. Day et le premier ministre Harper, a toujours été hostile au régime chinois. MM. Harper et Day avaient reproché aux gouvernements libéraux de sacrifier la défense des droits fondamentaux des Chinois à la promotion des relations économiques. Une fois au pouvoir, le chef conservateur a soutenu qu'il ne fallait pas laisser tomber ces droits au nom du «tout-puissant dollar», des propos étonnants dans la bouche d'un économiste de droite. M. Harper a froissé la Chine en négligeant de rencontrer l'ambassadeur chinois, en accordant la nationalité canadienne honoraire au dalaï-lama et en ne se rendant pas à Pékin pour les Jeux olympiques. Enfin, Ottawa a fermé ses bureaux commerciaux dans cinq villes chinoises.

 

Est-il vraiment besoin de le rappeler? La Chine étant en voie de devenir une superpuissance économique et politique, aucun pays ne peut se permettre de négliger ses relations avec elle. C'est d'autant plus vrai pour une nation commerçante qui a désespérément besoin de diversifier ses marchés. Déjà, notre pays doit faire face à une concurrence féroce, n'étant évidemment pas le seul à vouloir s'attirer les faveurs des maîtres de la République populaire. Comme le constate l'universitaire Charles Burton, se fondant sur ses conversations avec des fonctionnaires chinois: «Ils voient le Canada comme un pays peu peuplé, situé très loin et sans grande influence politique. Le Canada n'est pas perçu comme important sauf comme source de matières premières et comme marché pour les produits chinois.»

Il y a des réalités contre lesquelles le gouvernement du Canada ne peut rien. À tout le moins, doit-il faire en sorte de ne pas en aggraver l'effet. Le gouvernement Harper semble, aujourd'hui, avoir retrouvé la voie du bon sens.

Au cours de son voyage, M. Day va présider à la réouverture des bureaux commerciaux qui avaient été fermés. On prévoit une visite du premier ministre Harper d'ici la fin de l'année. Autre signe encourageant, le Globe and Mail annonçait ces jours-ci la nomination prochaine à l'ambassade de Pékin de David Mulroney, un diplomate respecté, bien au fait de la situation en Chine.

Les relations de tout pays occidental avec la Chine seront toujours délicates. Les politiciens canadiens doivent s'assurer d'y investir toute l'intelligence, l'énergie et la patience requises. L'ancien ambassadeur du Canada à Washington, Derek Burney, soulignait cette semaine la nécessité pour Ottawa et Pékin de faire preuve d'une plus grande «maturité» dans leurs rapports mutuels: «Une approche plus adulte permettrait l'existence de désaccords honnêtes au sujet de questions tels les droits de la personne (...) sans que ceux-ci empêchent le développement d'un partenariat économique et politique plus substantiel.»

Le gouvernement conservateur a gaspillé trois précieuses années dans ce dossier prioritaire. On ne peut que se réjouir de le voir abandonner sa politique simpliste et espérer que celle-ci ne laissera pas de séquelles.

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