Voici le premier de trois éditoriaux sur l'approche que devrait adopter le gouvernement Charest dans son budget du 19 mars prochain.

Le premier ministre Jean Charest a confirmé hier, dans le discours inaugural, que le budget du 19 mars sera déficitaire. En ces temps de crise économique, personne ne s'en scandalisera. L'heure est aux interventions massives de l'État, peu importe l'impact à moyen et long terme sur les finances publiques. L'économiste Kenneth Rogoff, de Harvard, a parlé d'«orgie fiscale».

 

Les États devraient faire preuve de plus de prudence. C'est particulièrement vrai du gouvernement québécois. En effet, contrairement au fédéral et à presque toutes les provinces, le Québec n'a pas profité de la décennie de prospérité pour réduire substantiellement la dette publique. Cette année, la dette nette de Québec représente 42% du PIB, le même pourcentage qu'en 2000. Pendant ce temps, l'Ontario a réduit le fardeau de sa dette de 33% à 25% du PIB, la Colombie-Britannique de 19% à 13%, le Nouveau-Brunswick de 37% à 25%. Sans compter Ottawa, dont la dette est passée de 60% à 34% du PIB.

On dira que ça n'est pas grave, que le gouvernement du Québec doit absolument dépenser pour relancer l'économie. En réalité, Québec ne peut pas faire grand-chose outre les investissements en infrastructures déjà annoncés. Le ralentissement en cours est essentiellement causé par la baisse des exportations; notre économie reprendra de la force lorsque les Américains recommenceront à acheter nos produits.

Comme le gouvernement du Québec annonce un déficit budgétaire pour 2009-2010, on sait qu'il sortira de la crise avec une dette encore plus lourde, lui qui est déjà le champion de l'endettement au pays. Lorsque les taux d'intérêt augmenteront, ce qui arrivera fatalement, le service de la dette coûtera de plus en plus cher, privant Québec de moyens pour assumer ses missions essentielles.

Dans un rapport publié la semaine dernière, le Fonds monétaire international met les gouvernements en garde contre le risque d'un effet «boule de neige» sur la dette publique. Selon les économistes du FMI, cet effet menace particulièrement les États dont la population vieillit rapidement. C'est, on le sait, le cas du Québec.

M. Charest s'est engagé hier à «gérer avec rigueur» et à «préparer l'avenir». Souhaitons que cela se traduise par des mesures de relance économique modestes, ciblées et temporaires.

Le budget devrait de plus mettre en place des mesures et un calendrier crédibles permettant le retour rapide à l'équilibre budgétaire. Le gouvernement devrait aussi entreprendre de s'attaquer aux problèmes structurels qui poussent les finances publiques vers une grave impasse. Cela signifie, comme nous le verrons demain, d'envisager de sacrifier un certain nombre de vaches sacrées.

Ainsi que l'écrit le FMI, «reporter les réformes nécessaires entraînera probablement des ajustements plus importants et plus douloureux dans l'avenir». Le Québec a négligé de faire son ménage alors que l'économie se portait bien. Tout retard supplémentaire minera davantage la capacité d'agir de l'État québécois.