La chef du Parti québécois, Pauline Marois, a demandé hier au premier ministre Charest de geler les tarifs des services gouvernementaux «tous azimuts» pour ne pas «accabler la classe moyenne et les plus démunis» en cette période de crise économique. Le chef du gouvernement a répondu qu'il n'interviendrait pas dans les décisions des organismes concernés. Les deux approches nous semblent inappropriées.

La proposition du PQ est irresponsable. Comment peut-on envisager un gel de tous les tarifs avant d'avoir mesuré l'impact d'une telle mesure sur les finances publiques et sur la viabilité des différents services touchés? Pendant combien de temps les tarifs devraient-ils rester au même niveau? Mme Marois souhaite-t-elle que les primes de l'assurance médicaments soient gelées même si les coûts augmentent substantiellement année après année? La Société d'assurance automobile devrait-elle surseoir aux importantes hausses prévues cette année et l'an prochain, hausses essentielles à la solvabilité du régime? Quel serait l'impact d'un gel des tarifs d'électricité sur les profits d'Hydro-Québec, et donc sur les revenus du gouvernement?

 

De toute façon, le gel des tarifs n'est jamais une bonne politique, même si les libéraux et les péquistes manquent rarement une occasion de le promettre pour plaire à une clientèle électorale ou à une autre. Le gel entretient l'illusion de la gratuité des services gouvernementaux et masque les hausses de coûts. Il alourdit chaque année, par dose homéopathique, le fardeau financier de l'État. Il profite autant aux biens nantis qu'aux personnes démunies, générant par conséquent un gaspillage de fonds publics.

Les deux grands partis provinciaux appuient le gel des tarifs des garderies, une politique inutilement coûteuse et sans fondement logique. Depuis quatre ans, le coût d'une place en CPE a augmenté de 17%. La contribution parentale étant coulée dans le béton armé, c'est l'État qui a absorbé la totalité des dépenses supplémentaires. Les parents, qui défrayaient 16,2% du coût en 2004-2005, n'en paient plus que 14%. Pourquoi ce programme déjà généreux devrait-il le devenir de plus en plus?

Mme Marois a raison de s'inquiéter de l'impact qu'aurait une succession de hausses de tarifs sur les ménages, dont plusieurs seront durement touchés par la crise économique. Le gouvernement ne peut se laver les mains d'une telle situation, comme a semblé le faire hier M. Charest. Au contraire, Québec doit suivre cette question de près. Mais chaque tarif doit être étudié séparément, selon l'importance de la hausse envisagée, son impact sur les ménages, l'effet sur les finances publiques et sur la viabilité du service. Le gouvernement devra notamment se demander si les régimes touchés par les pertes de la Caisse de dépôt doivent immédiatement ajuster leurs primes et cotisations ou bien si cet ajustement peut attendre un an ou deux.

De façon générale, s'ils veulent préserver les contribuables de ponctions supplémentaires dans leurs revenus pendant la récession, les élus devraient recourir à des outils fiscaux plutôt qu'à la tarification. Les mesures fiscales permettent de cibler avec précision les ménages qui ont besoin d'aide et comportent moins d'effets pervers que la manipulation politique des tarifs.

apratte@lapresse.ca