De toutes les recommandations du Groupe fédéral d'experts sur la réglementation des valeurs mobilières, il était évident que la création d'une autorité nationale, en remplacement des 13 agences provinciales et territoriales, serait la plus controversée. Pourtant, le Groupe consacre à peine deux ou trois pages à expliquer pourquoi ce bouleversement de structures est nécessaire.

Si on peut démontrer qu'une commission pancanadienne des valeurs mobilières serait à l'avantage de l'économie du pays et des investisseurs, disions-nous hier, les provinces récalcitrantes devraient laisser tomber leurs préjugés politiques et se ranger à cette solution. Or, le groupe fédéral a lamentablement failli dans sa démonstration.

 

Les experts se disent convaincus qu'un organisme national pourrait mieux prévenir ou amortir les crises financières. Toutefois, ils n'amènent aucun fait probant, aucun argument étayé. Sur cet aspect des choses, leur rapport est beaucoup moins solide que les mémoires déposés devant le groupe par les organismes qui défendent le statu quo, notamment l'Autorité des marchés financiers, la British Columbia Securities Commission (BCSC) et l'Assocation canadienne des producteurs pétroliers.

«Le passage à un régulateur unique comporte de grands risques alors que les avantages sont loin d'être garantis, souligne la BCSC. Un tel régulateur coûterait probablement plus cher et ne serait pas plus efficace; il le serait sans doute moins.» Le document publié lundi ne répond pas de façon satisfaisante à ces inquiétudes.

Le premier ministre Harper défend une vision du fédéralisme suivant laquelle plutôt que de s'ingérer dans les domaines de compétence provinciale, Ottawa devrait mieux s'occuper de ses propres secteurs de juridiction. Les valeurs mobilières ne devraient pas échapper à ce principe.

Tout le monde s'entend pour dire que la Gendarmerie royale du Canada ne dispose pas de moyens suffisants pour enquêter sur les crimes économiques. De plus, les crimes de cette nature ne sont pas punis assez sévèrement au Canada. Le gouvernement fédéral a entrepris de s'attaquer à ces problèmes; ceux-là relevant bel et bien de ses responsabilités, il devrait leur accorder toute son attention.

Si le gouvernement Harper, des gouvernements provinciaux et une partie du milieu des affaires canadien tiennent à se lancer dans de vastes changements de structures en cette période de crise, il n'y a pas de raison de s'y opposer en autant que les provinces ne souhaitant pas y participer puissent rester à l'écart. Le Groupe d'experts suggère que les émetteurs et les courtiers d'une province non-participante puissent choisir d'être réglementés par l'agence fédérale; l'idée est sournoise et irréfléchie. Une telle manoeuvre, que certains membres du Groupe ont refusé d'endosser, ne ferait qu'engendrer conflits et confusion.

Une approche asymétrique permettrait d'arriver à un compromis acceptable. Le nombre de commissions des valeurs mobilières au Canada serait sensiblement réduit - de 13 à trois ou quatre, tous de taille raisonnable. Et les particularités des marchés régionaux, notamment l'Alberta et le Québec, seraient prises en compte.

apratte@lapresse.ca