La qualité des relations entre les Québécois et les Autochtones est de première importance. De l'état de ces relations dépendent le développement économique du Québec et la paix sociale dans plusieurs régions.

Bon nombre des 87 000 Amérindiens et Inuits du Québec vivent dans des conditions de pauvreté, de dépendance, de maladie et de criminalité inadmissibles dans une société moderne. Comme l'a dit le premier ministre Charest il y a deux ans, «l'amélioration des conditions socioéconomiques des Premières Nations du Québec et des Inuits est un défi pour l'ensemble de notre société». Plus qu'un défi en fait, une obligation morale.

 

Les Autochtones affirment de plus en plus leur volonté de se prendre en main politiquement et économiquement. C'est une volonté que la nation québécoise devrait spontanément comprendre, accueillir et respecter.

Cependant, cette volonté suscite et suscitera inévitablement de nombreux différends avec la population blanche. Il faudra se partager le territoire, les responsabilités, la richesse. Ce n'est jamais un exercice facile, surtout lorsque les uns et les autres se voient à travers la lunette déformante des préjugés.

Dans ce contexte, le dossier autochtone devrait toujours relever du premier ministre. Celui-ci devrait nommer au poste de ministre délégué aux Affaires autochtones un titulaire sensible à la réalité des Amérindiens et des Inuits, d'une grande compétence et jouissant d'une forte influence auprès du Conseil des ministres. Le premier ministre devrait ainsi faire en sorte que ce portefeuille soit vu comme une responsabilité de premier plan.

Jean Charest vient de trébucher en confiant la responsabilité des Affaires autochtones à Pierre Corbeil. Cette nomination a tout de suite suscité la colère du président de l'Association des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), Ghislain Picard. Témoigne aussi de la déception de certains leaders autochtones la lettre de l'avocat Éric Cardinal, publiée en page A29.

C'est que M. Corbeil, à titre de ministre des Ressources naturelles, a eu sa part de querelles avec les nations autochtones. Ces dernières voient mal comment le député d'Abitibi-Est pourrait accueillir plus favorablement leurs revendications qu'il ne l'a fait dans sa précédente incarnation.

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Tout de même, les représentants autochtones ont avantage à donner une chance au coureur. M. Corbeil a quelques atouts dans son jeu; il connaît déjà la situation dans plusieurs communautés et est familier avec certaines des problématiques. Il peut donc s'atteler à la tâche dès maintenant.

Parler de «guerre», comme le fait M. Cardinal, n'est pas utile. Le dialogue vaut toujours mieux que l'affrontement.

Reste que si la situation se détériore au cours des prochains mois, le premier ministre en portera une part de responsabilité. Au moment où l'APNQL est à bout de patience et annonce des gestes visant à «affirmer la souveraineté» des Premières Nations, M. Charest aurait dû profiter de la formation du nouveau cabinet pour confirmer sa volonté de «forger une nouvelle relation» entre les Québécois et les Autochtones.