La pression est forte sur les gouvernements du Canada et du Québec pour qu'ils présentent dès que possible d'importants programmes de relance économique. Le gouvernement Charest et (surtout) le gouvernement Harper ne peuvent se permettre d'ignorer ces appels. Pourtant, la prudence est de mise; la précipitation serait une erreur.

Devant l'ampleur de la crise annoncée, les gouvernements ne peuvent évidemment pas rester les bras croisés. Mais les attentes doivent être réalistes: leur action n'aura qu'un impact limité. Et le risque est grand que plusieurs des milliards dépensés ne soient que des coups d'épée dans l'eau.

 

Aux États-Unis, Washington a déjà consacré des centaines de milliards au sauvetage des institutions financières. Cela n'a pas empêché la récession ni rétabli la confiance. En fait, à mesure que les chiffres grossissent, l'effet psychologique s'amenuise. Qu'est-ce que 700 milliards, après tout!

«La rapidité avec laquelle les mesures sont conçues, au mépris du bon sens économique, est extrêmement déprimante», a lancé cette semaine le ministre allemand des Finances, Peer Steinbrueck.

Le gouvernement Harper n'a donc pas tort de prendre un peu de temps pour choisir les mesures qui auront le plus d'impact. «Il n'y a aucune chance que des mesures fiscales annoncées dans le prochain budget fédéral permettent au Canada d'éviter la récession», prévient l'économiste Dale Orr, d'IHS Global Insight.

Le problème, c'est que les économies occidentales sont déjà dans le creux du cycle économique. Avant que les mesures fiscales envisagées n'aient un effet, la reprise sera déjà amorcée, gracieuseté des mécanismes naturels d'ajustement (la baisse des prix de l'énergie, notamment).

De plus, on ne sait pas ce que feront les contribuables des sommes additionnelles que promettent de leur verser les gouvernements. La croissance économique exige qu'ils les dépensent, mais il est fort possible qu'ils les déposent plutôt dans leur compte d'épargne.

Il y a consensus chez les économistes: les dépenses publiques les plus utiles sont les investissements dans les infrastructures. Celles-ci n'auront sans doute pas beaucoup d'impact à court terme, mais au moins, elles donnent l'impression que le gouvernement agit et produisent des actifs utiles à moyen et long terme (routes, ponts, barrages, parcs éoliens, etc.) C'est la voie qu'a choisie Barack Obama.

Au cours de la récente campagne électorale, Pauline Marois a soutenu qu'à l'automne 2001, elle avait présenté un budget d'urgence qui avait permis au Québec de «sortir du ralentissement en meilleure position que les États autour de nous». Pourtant, l'Ontario, sans budget d'urgence, a connu en 2002 et 2003 une croissance économique plus rapide que le Québec.

En temps de crise économique, les gouvernements doivent agir, cela ne fait aucun doute. Toutefois, on devrait s'arrêter moins à l'importance des sommes dépensées qu'à la pertinence des mesures proposées. Celles-ci devraient être intelligentes, ciblées et raisonnables.