Mardi dernier, 4 novembre 2008, la longue lutte de la minorité afro-américaine contre la discrimination a franchi une étape décisive avec l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis. Malheureusement cette même journée, une autre minorité a subi une grave défaite dans sa quête pour l'égalité. Et, ironie du sort, c'est la victoire de M. Obama qui est indirectement responsable de ce recul.

Dans trois États, les électeurs américains ont voté en faveur de l'interdiction du mariage de personnes de même sexe. En Floride et en Arizona, les couples homosexuels ne pourront donc pas jouir des mêmes avantages juridiques et fiscaux que les couples mariés puisqu'il n'y existe pas d'autre forme d'union que le mariage. En Californie, les couples homosexuels pourront continuer de contracter un «partenariat domestique» leur accordant les mêmes privilèges que les couples hétérosexuels mais ces unions n'auront pas droit à l'appellation «mariage».

 

Cette proposition, appuyée par 52% des électeurs californiens, annule un jugement rendu par la Cour suprême de l'État. Selon les juges, refuser aux couples homosexuels l'institution traditionnelle du mariage «risque de les priver du respect et de la dignité qui est un élément fondamental du droit constitutionnel de se marier». Dans son argumentaire, le tribunal californien posait la question suivante: serait-il acceptable de priver du droit de se marier deux personnes de race différente en leur proposant de former plutôt une «union interraciale»? Bien sûr que non. Alors pourquoi exiger des personnes homosexuelles qu'elles renoncent au mariage et se contentent d'un «partenariat domestique»?

Selon plusieurs commentateurs, la victoire des opposants au mariage gai s'explique par le fort appui qu'ils ont obtenu au sein des communautés noire et latino, généralement plus conservatrices sur les questions d'ordre familial. Or, comme les Noirs et les hispanophones ont participé au scrutin en très grand nombre - pour appuyer Barack Obama - leur vote a fait pencher la balance contre les homosexuels.

Soixante-dix pour cent (70%) des électeurs noirs de Californie ont voté contre le mariage pour les personnes de même sexe. Quel triste paradoxe! En votant Obama, ils affirmaient avec force leur droit à l'égalité; en votant contre le mariage gai, ils niaient ce droit aux homosexuels. Ce qui nous rappelle qu'une minorité ayant souffert aux mains de la majorité peut elle-même faire preuve d'intolérance à l'égard d'aures minorités.

Les résultats de ces référendums confirment aussi que, contrairement à ce que pensent bien des gens, on ne peut pas confier à la majorité la défense des droits des minorités. Cette responsabilité doit rester celle des tribunaux, guidés par les chartes des droits.

Bien sûr, certains jugements - on pense à celui sur le kirpan à l'école - mécontenteront les membres de la majorité. Mais la solution de rechange - régler ces questions par le vote des électeurs - aboutirait inévitablement à un effritement inacceptable des droits fondamentaux des minorités.