Parmi les difficultés auxquelles doivent faire face les entreprises canadiennes cet automne, le déficit des régimes de retraite de leurs employés est l'une des plus inquiétantes. Le problème est d'autant plus préoccupant qu'il est complexe et moins visible que d'autres facettes de la crise actuelle. C'est pourtant un récif qui pourrait causer un tort considérable à l'économie canadienne, jusqu'à mettre en péril les entreprises les plus fragiles.

L'impasse ne date pas d'hier. Depuis quelques années, les trois quarts des régimes de pension à prestations déterminées se trouvent en déficit de solvabilité en raison de leurs obligations financières de plus en plus lourdes et du bas niveau des taux d'intérêt.

La crise financière de l'automne est venue aggraver considérablement cette situation. La valeur des actifs des régimes a brutalement chuté. Pour assurer la solvabilité des caisses de retraite, les entreprises doivent mettre des millions en réserve. Or, cet argent est difficile à emprunter en raison de la crise du crédit. Et s'il est un moment où les entreprises ne peuvent pas se permettre de garder de l'argent sur la glace, au cas où, c'est bien lorsque l'économie ralentit.

Depuis plusieurs mois, les employeurs font pression sur les gouvernements fédéral et provinciaux pour qu'ils assouplissent les règles de financement applicables aux régimes complémentaires de retraite de façon à réduire les sommes requises pour en garantir la solvabilité. Par exemple, on voudrait que la période d'amortissement des déficits actuariels soit allongée. La valeur au marché des actifs d'un régime au moment du dépôt de l'évaluation devrait pouvoir être calculée sur une moyenne de trois ou de cinq ans. Enfin, aux fins du test de solvabilité d'un régime, on devrait estimer la valeur du passif selon des taux de rendement plus élevés que ceux utilisés actuellement.

Dans sa mise à jour économique cette semaine, la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, a annoncé sa volonté d'agir. Des groupes de travail seront mis sur pied pour concevoir des solutions, solutions qui seront rétroactives au 31 décembre 2008. Notamment, tout indique que la période d'amortissement des déficits passera de 5 à 10 ans.

L'homologue fédéral de Mme Jérôme-Forget n'a pas été aussi clair. La semaine dernière, Jim Flaherty a indiqué que son ministère «étudie attentivement» les moyens de venir en aide aux régimes qui relèvent du fédéral, mais il a ajouté qu'à son avis, il n'existe pas de solution simple et rapide («quick fix») au problème. Des personnes mêlées de près à ce dossier estiment que le ministre fédéral est bel et bien conscient de la gravité de la situation. Si tel est le cas, Ottawa devrait suivre l'exemple de Québec et annoncer au plus tôt, de façon formelle et explicite, son intention d'agir. Cela libérera les entreprises concernées d'une incertitude dont elles n'ont vraiment pas besoin ces jours-ci.

N'est-ce pas un des enseignements de la récente campagne électorale? Les Canadiens attendent du gouvernement fédéral non seulement qu'il gère l'économie canadienne avec compétence, mais aussi qu'il agisse de manière à les rassurer.

apratte@lapresse.ca