Non, mais ! Après Donald Trump, qui a pris un malin plaisir à dénoncer l’OTAN ces dernières années, voici qu’Emmanuel Macron en rajoute une couche ! L’organisation est dans un état de « mort cérébrale » a-t-il déclaré récemment.

Ce n’est peut-être que de la provocation. Emmanuel Macron cherche visiblement à brasser la cage. Mais le petit jeu auquel il joue pourrait se révéler dangereux s’il contribue à mettre en péril cette organisation, qui demeure hautement pertinente malgré son âge vénérable.

Rappelons que le rôle de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) était à l’origine, après la Deuxième Guerre mondiale, de « garder les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle ». Son premier secrétaire général le décrivait ainsi.

Soixante-dix ans plus tard, le rôle de l’OTAN s’est en partie modifié, mais pas son importance.

Pour l’Europe, bien sûr, notamment parce que l’OTAN demeure un rempart contre une Russie aux ambitions renouvelées. Mais aussi pour un pays comme le Canada, dont la sécurité dépend de ses alliances.

Voir le président français imiter Donald Trump et critiquer l’OTAN à de quoi inquiéter nos élus et les pousser à défendre l’organisation avec vigueur, jusqu’à ce qu’elle soit sortie de la tourmente.

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Donald Trump en fera-t-il un jour à sa tête et finira-t-il par quitter l’OTAN ? On ne le souhaite pas. Mais les circonstances actuelles forcent tout de même les Européens à revoir leur stratégie en matière de sécurité nationale. C’est ce qui est à l’origine de la sortie controversée d’Emmanuel Macron.

C’est d’autant plus important que le désintérêt des Américains pour l’Europe et l’OTAN pourrait ne pas être passager. En effet, la tendance a commencé sous Barack Obama. Il préférait regarder plus loin, vers l’Asie, et il reprochait lui aussi aux pays de l’OTAN de ne pas faire grimper assez vite leurs dépenses militaires (ce qui valait aussi pour le Canada, d’ailleurs).

Parmi ceux qui l’ont remarqué : le chercheur français Benjamin Haddad. Il a publié récemment un brillant essai sur la transformation du rapport entre les États-Unis et le reste du monde, intitulé Le Paradis perdu. Selon lui, Donald Trump n’est pas un accident de l’histoire et la redéfinition du rôle de la puissance américaine n’est probablement pas momentanée.

« Nous n’avons plus le choix : le retrait américain exige un réveil stratégique des Européens s’ils ne souhaitent pas devenir le théâtre passif des ambitions des grandes puissances ou subir l’instabilité exportée par les pays voisins », écrit-il.

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Les Européens ont donc tout avantage à poursuivre leurs efforts visant à atteindre une autonomie réelle sur le plan militaire, ce à quoi fait référence Emmanuel Macron lorsqu’il dit vouloir « muscler » la défense européenne.

Cela étant dit, nul besoin, pour ça, de dénigrer l’OTAN ou de lui tourner le dos.

En ce sens, le secrétaire actuel de l’Organisation, Jens Stoltenberg, a eu raison d’affirmer que « l’unité européenne ne peut pas remplacer l’unité transatlantique ». Des propos que le Canada, un des membres fondateurs de l’OTAN, doit faire siens.

À la veille du prochain sommet de l’OTAN — début décembre à Londres — le moment est venu pour un vibrant plaidoyer en faveur de cette organisation qui permet au Canada de maintenir d’importants liens militaires avec les pays européens et, surtout, de bénéficier de sa clause de défense commune.

C’est fondamental : l’article 5 de la charte de l’OTAN assure que si l’un de ses 29 membres est attaqué, les autres vont tous se porter à sa défense. C’est une raison amplement suffisante pour préserver l’OTAN, quitte à continuer de la faire évoluer.

C’est ce pacte qui permet aux membres de l’OTAN d’investir plus d’argent dans les programmes sociaux que dans la défense (qu’ils ont trop négligée, cela dit). Et c’est un atout d’autant plus fondamental que le doute s’installe quant à la fiabilité de notre allié américain.

Renoncer à prendre fait et cause pour l’OTAN enverrait en outre un très, très mauvais signal alors que les démocraties, le multilatéralisme et la coopération ont du plomb dans l’aile. Pendant ce temps, des pays dirigés par des autocrates, Chine et Russie en tête, développent une solution de rechange au modèle occidental.

L’OTAN est peut-être menacée comme jamais auparavant, mais elle n’a pas fait son temps.

Pays membres de l’OTAN

Membres fondateurs (1949)

Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni

Autres pays membres

Grèce et Turquie (1952), Allemagne (1955), Espagne (1982), République tchèque, Hongrie et Pologne (1999), Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie (2004), Albanie et Croatie (2009) et Monténégro (2017)

Source : Organisation du traité de l’Atlantique Nord

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