L’automne sera chaud pour les commissions scolaires du Québec. Un signe qui ne trompe pas : la récente sortie du ministère de l’Éducation pour dénoncer la Commission scolaire English-Montréal (CSEM) et affirmer que les problèmes concernent l’ensemble du réseau.

Le Ministère fourbit ses armes. Il s’apprête à annoncer une importante réforme des commissions scolaires. Cela dit, les problèmes de la CSEM semblent exceptionnels. Un expert interrogé lors de l’enquête a dit qu’il était en présence « d’un des pires cas de gouvernance » vus depuis le début de sa carrière. Québec doit y remédier rapidement.

Selon les extraits du rapport, qui circulent depuis quelques jours, les troubles « existent depuis plusieurs années ». Ils ont contribué à « l’instauration d’une gouvernance dysfonctionnelle ». Et on ne parle pas uniquement de conflits au sein de l’organisation, mais aussi d’irrégularités en lien avec l’application de la Loi sur les contrats des organismes publics.

Notons qu’il s’agit de la plus importante des neuf commissions scolaires anglophones du Québec et qu’elle est dotée d’un budget de 350 millions. L’affaire n’est pas à prendre à la légère.

Tutelle ? L’idée est évoquée. Même la présidente de la CSEM, Angela Mancini, ne s’y opposerait pas. Au préalable, par contre, Québec aurait tout avantage à rendre public le rapport incriminant dans son intégralité et à consulter la communauté anglophone pour discuter du choix de l’administrateur qui remplacerait le conseil des commissaires de la CSEM de façon temporaire.

Mais pourquoi, se demandera peut-être le ministre Jean-François Roberge, ne pas en profiter pour abolir pour de bon les postes de commissaires et mettre fin aux élections scolaires non seulement à la CSEM, mais dans l’ensemble des commissions scolaires anglophones ?

D’abord parce que si le ver est dans le fruit à la CSEM, ce n’est pas nécessairement le cas ailleurs. Ensuite parce que la communauté anglophone a un rapport avec son réseau scolaire différent de celui de la communauté francophone, si bien que le ministre peut se permettre de mettre de l’avant deux approches distinctes.

Par exemple, la démocratie scolaire, la communauté anglophone y tient. Les sondages le démontrent et elle le prouve notamment en allant voter avec plus d’enthousiasme que les francophones. Le taux de participation a été de près de 17 % dans les commissions scolaires anglophones en 2014, alors qu’il n’a même pas franchi le cap des 5 % dans les commissions scolaires francophones.

Les anglophones se méfient des intentions de remplacer les commissaires élus par des parents choisis au sein des écoles. L’Association des commissions scolaires anglophones du Québec fait valoir que bon nombre de membres de la communauté, même s’ils n’ont pas d’enfants d’âge scolaire, souhaitent s’impliquer parce que l’éducation est pour eux primordiale. On souligne aussi que les écoles anglophones à l’extérieur de Montréal deviennent souvent des lieux de rassemblement pour l’ensemble de la communauté et pas seulement pour les parents.

Enfin, d’un point de vue purement politique, la manœuvre serait périlleuse. Le gouvernement Legault prendrait le risque d’ouvrir une boîte de Pandore en réformant les commissions scolaires anglophones.

On ne connaît pas encore les détails du projet de loi qu’il s’apprête à déposer. Ce qu’on sait toutefois, c’est que le droit à l’éducation dans sa langue est protégé par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Les tribunaux ont par la suite précisé que les minorités, dans ce contexte, ont également un droit de gestion quant aux décisions qui touchent la langue et la culture.

Des commissions scolaires francophones au Canada anglais ont survécu en raison de cette protection. Ce fut le cas à l’Île-du-Prince-Édouard l’an dernier. Rien ne dit pour l’instant que les changements qui seront proposés par Québec iraient à l’encontre de l’article 23, mais quel serait l’avantage, pour le gouvernement Legault, de se lancer dans une telle bataille juridique ?

Le ministre Roberge, on le sait, a déjà fait preuve de fermeté à l’égard du milieu anglophone il y a quelques mois. Il a forcé le transfert de deux écoles de la CSEM vers une commission scolaire francophone, ce que certains n’ont pas encore digéré.

En revanche, dans le dossier de la gouvernance scolaire, il semble prêt à mettre de l’eau dans son vin. « Il pourrait y avoir un compromis du côté des anglophones », a-t-il déclaré publiquement.

La politique est un sport de combat et le ministre a tout à gagner à choisir ses batailles.

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